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● Lorsque l'attitude des footballeurs est passée au crible, c'est le plus souvent pour railler leurs gestes déplacés, leurs salaires ou leurs fautes de français. Le documentaire "Les rebelles du foot" a choisi un autre prisme : celui de joueurs qui se sont engagés en faveur de l'intérêt collectif, utilisant le football et leur notoriété comme arme de résistance.

Certains intellectuels répètent comme des perroquets que le football est l'opium du peuple. Ce sport selon eux ne sert qu'à abrutir les masses et les empêcher d'accéder à une prise de conscience sociale. Il se cache derrière cette analyse un profond mépris pour les loisirs populaires et en fait pour le peuple lui-même. Cela dénote surtout d'une vision idéologique qui ne s'encombre pas de prise en compte de la réalité.

Bien sûr toutes les vedettes du football ne sont pas des leaders politiques contestataires, il ne faut pas oublier qu'il y a un écart entre leur âge (ils sont très jeunes) et leur notoriété qui est immense. Les footballeurs qui s'engagent sur le plan social le font plutôt arrivés à un âge de maturité, après la trentaine. Et parmi eux, certains ont eu des parcours hors-normes.

Le grand intérêt du documentaire de Gilles Perez et Gilles Rof "Les rebelles du foot", qui sera diffusé sur Arte le 15 juillet en prime time, est de montrer quelques exemples de footballeurs qui se sont engagés, qui ont pris des risques importants au service d'une cause qui les dépassait, qui ont mis leur notoriété au service de l'intérêt collectif.

Éric Cantona sert de fil directeur dans ce passionnant documentaire.

On y trouve Didier Drogba, la vedette de Chelsea, l'idole de la Côte d'Ivoire qui, juste après le match de la première qualification de son pays pour une Coupe du monde, avec tous ses partenaires, demande à tous les combattants ivoiriens de déposer les armes et demande aux politiques de faire comme les joueurs : s'unirent pour la cause nationale. Ayant reçu le ballon d'or africain, lui qui est de la même ethnie que Laurent Gbagbo, il ira le présenter dans la capitale des rebelles à Bouaké alors que le pays est coupé en deux. Il reviendra ensuite dans cette ville avec l'équipe nationale. Après les élections de 2010, il joue un rôle important dans la réconciliation du pays.

Il y a bien sûr Rachid Mekloufi qui, à 23 ans quitte Saint-Étienne, l'équipe de France (et devient de surcroît déserteur puisqu'il était à l'époque au bataillon de Joinville) pour réformer l'équipe du FLN qui permettra, avant même l'indépendance de l'Algérie, de hisser le drapeau, de chanter l'hymne national et d'offrir une vitrine à la cause indépendantiste. Ces joueurs à l'époque ont quitté le confort qui était le leur dans les clubs professionnels français pour se mettre au service de la dignité nationale, ils ne savaient pas combien de temps allait durer leur aventure. Mais ils considéraient que c'était leur devoir d'agir ainsi.

Il y a bien sûr Sócrates qui, en pleine dictature militaire au Brésil, crée la démocratie corinthiane. Le Club de corinthians à Sao Paulo va être autogéré par les joueurs et le staff. Les appels à la liberté seront un constant pied de nez à la dictature brésilienne.

Il y a aussi Caszely. C'est la vedette de l'équipe du Chili qui se qualifie pour la Coupe du monde de 1974. Il joue en Espagne. Reçu au palais présidentiel par le général Fidel qui vient saluer chaque joueur, il met ostensiblement ses mains dans le dos pour éviter de serrer celle du dictateur et l'interpellera ensuite publiquement sur ce qui ne va pas au Chili. Sa mère sera torturée, il militera pour le retour à la démocratie et jouera un rôle essentiel lors du référendum qui le permettra.

Il y a ensuite Pašić. Il joue à Sarajevo. Durant le siège de la ville élue, malgré de nombreuses sollicitations pour aller jouer dans des clubs européens huppés, il va rester durant les trois ans du siège et créera une école de football pour s'occuper des enfants de la ville, leur faire oublier le traumatisme des bombardements.

Témoignages des acteurs, images d'époque, explications claires et pédagogiques, récit séduisant : une vraie réussite devant laquelle il ne faut pas se rebeller.

Par Pascal Boniface
Directeur de l'IRIS
Le + du Nouvel Observateur
Pascal Boniface vient de publier "JO politiques" (éditions Gawsewitch).

 

 

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