Les Lions posent avant d'affronter la Croatie © Getty Images

● Alexandre Song

Je devine que tu es atterré par tout ce que tu lis, entends, et vois dans les médias suite à ton coup de coude sur Mandzukic le joueur croate. Des chansons sont même déjà composées et en circulation sur Internet pour moquer ce geste inexplicable que tu as eu. Comme il y a l'expression « zlataner » en France, il y a désormais « songuer » pour dire asséner un coup de coude à quelqu'un. Tu as présenté solennellement tes excuses, mais cette image te hantera certainement pour le restant de tes jours. Sur un coup de sang à la Coupe du Monde, tu as malgré toi créé un point d'inflexion pour ta carrière : il y aura désormais un avant et un après Brésil 2014 pour toi. Je te plains, mais seul Dieu pourra t'aider à effacer une telle tâche, si cela est possible.

Ton coup de coude peut être interprété comme un message, un SOS que tu envoyais à tous ceux qui se préoccupent du football camerounais : tu as ainsi exprimé toute l'impuissance qui était celle de tes coéquipiers et toi à ce moment-là, tu criais tout votre désarroi face aux pressions négatives qui pesaient sur vous. Tu étais conscient que vous avez triché avec la préparation d'une compétition d'un tel haut niveau et tu as craqué. Tu savais qu'une bonne partie du public estimait que tu étais hors de forme, à cause des 2 saisons que tu viens de passer sur le banc de touche de FC Barcelone, et que dans les Lions aussi tu devais logiquement faire banquette. Tes amis t'avaient certainement déjà rapporté qu'une partie du public camerounais t'en voulait d'avoir hypothéqué ta carrière sportive dans le seul but de défier ton « ennemi » Samuel Eto'o : tu serais allé au Barça où tu n'avais aucune chance d'être titulaire, simplement pour montrer à Eto'o que tu pouvais aussi jouer dans la cour des grands. Personnellement, je me demande si on n'exagère pas un peu, car il ne me semble pas qu'il soit aisé de repousser une offre venant d'un tel club.

On te présente au pays comme un caïd monté par son « oncle » Rigobert Song pour tenir tête à Samuel Eto'o qui lui avait arraché le brassard de capitaine sous Paul Le Guen, ce qu'il n'aurait jamais digéré. On pense ainsi que votre paix des braves n'était que factice, et que vos bonnes relations retrouvées n'étaient qu'hypocrisie. Cela s'exprimerait sur le terrain en équipe nationale par cette tendance que tu as à beaucoup porter le ballon, alors que lors des rares apparitions que tu faisais au Barça, tu passais plus vite le ballon. Tu t'arrogerais donc un rôle de meneur de jeu au sein des Lions, alors que tu n'en as pas les qualités, simplement parce que tu estimes que tu es un grand cadre, au même titre qu'Eto'o. Dis-moi, Alex, n'es-tu pas fatigué qu'on ne te présente qu'en contrepoids du pouvoir dominateur d'Eto'o au sein de l'équipe nationale ? Pourquoi laisses-tu prospérer toutes ces insinuations sans jamais les tirer au clair de façon sincère ? Pourquoi laisses-tu courir le soupçon qui pèse sur toi selon lequel tu es commis à la mission de contrecarrer Eto'o, et de le défier dans son « impérialisme » et ses caprices de star ?

La débâcle du Brésil, et la réputation négative que tu y as obtenu, constituent des prétextes forts pour que tu daignes enfin délier ta langue, et expliquer avec sincérité tes attitudes et comportements au sein de notre tanière. Je ne suis pas de ces personnes amnésiques qui insultent ton talent aujourd'hui parce que tu as commis des erreurs comportementales. Tu as montré à Arsenal et même dans les Lions que lorsque tu penses uniquement à jouer au foot, lorsque tu es sobre dans ton jeu, tu es un formidable milieu de terrain défensif. Viens, explique-toi, efface toutes ces zones d'ombres qui entourent ton personnage, et va poursuivre la carrière sportivement prospère qu'il te reste à accomplir. Si on te sanctionne au Cameroun, baisse la tête comme devant cet arbitre de Cameroun-Croatie qui te brandissait le carton rouge, et concentre-toi pour revenir plus fort encore. Verse à la FECAFOOT le montant correspondant à ta sanction du Brésil (et fais-le savoir publiquement), afin que tu l'assumes jusqu'au bout. N'écoute pas ceux qui demandent qu'on te chasse des Lions indomptables parce que tu serais un démon ; considère qu'ils sont en colère à raison, et réponds-leur le moment venu sur le terrain, avec talent et vista.

● Enoh Eyong

My brother how ? Pourquoi es-tu si effacé dans cette sélection des Lions Indomptables où tu es quand même 2ème vice-capitaine ? Lors des conférences de presse, tu récites inlassablement les mêmes phrases bien apprises, pour rassurer le public que tout se passe bien. Tu sais pertinemment qu'il n'est pas vrai que tout va bien dans les Lions. Tu sais qu'il s'y passe des choses qui ne peuvent pas conduire à des résultats probants. Mais tu fais la langue de bois depuis des années parce que tu ne veux pas provoquer des vagues qui risqueraient de t'attirer des ennuis, notamment la non-convocation dans l'équipe. Tu as vécu le bannissement dans l'Ajax d'Amsterdam de la part d'un entraîneur qui avait décidé que tu n'entrais pas dans ses plans, et on peut comprendre ta frilosité.

Mais tu ne te rends pas service, parce que des prestations comme celles que nous venons d'avoir au Brésil, ne te permettent pas de te vendre et revenir dans les rails d'une carrière qui commençait pourtant bien dans un club de grande notoriété comme l'Ajax. Ton esprit est plein de doutes, et tu balbuties ton football depuis un bon moment. Pourtant, ceux qui suivent le foot savent que l'Ajax est une école, et tu n'y aurais jamais évolué si tu n'avais aucun talent. Pour compenser tes doutes sur le plan technique, tu as musclé ton jeu, et n'eût été souvent la clémence des arbitres, tu terminerais difficilement les matchs des Lions sans écoper d'un carton rouge.

Les Lions Indomptables ont touché le fond, et te voilà face à un nouveau foyer d'incertitudes et de doutes. Si tu n'ouvres pas ton cœur et ton esprit pour dire ce qui ne marche pas au sein de notre équipe nationale, j'ai très peur pour ta carrière. Au Cameroun, les hommes de culture anglophone sont souvent crédités d'une grande franchise et d'assez de courage pour dénoncer les maux de notre société. On l'a souvent vu avec la ligne éditoriale plus osée des desks anglophones dans nos médias publics. Le public camerounais ne te cite pas souvent dans les intrigues au sein des Lions, et tu as donc encore assez de crédit pour dire les choses et être écouté sans préjugés. Ne te laisse pas convaincre par ceux qui te font croire que tu es « l'anglo de service » dans l'équipe du Cameroun, et qu'à ce titre, tu devrais rester dans ton coin sans te mêler aux querelles des « francophones ». La majorité des camerounais ne voit pas les Lions sous ce prisme. Over to you Enoh !

● Stéphane Mbia

A force de réajuster ta culotte vers le bas, elle va finir par tomber un jour, et l'arbitre te sanctionnera pour « atteinte à la pudeur ». Tu vois, je peux me permettre une note d'humour avec toi, parce que tu as été l'un des rares Lions à avoir donné une relative satisfaction au cours de notre mésaventure au Brésil. Tu as été hargneux, besogneux, montrant un zeste de « fighting spirit ». Ta condition physique n'était pas au top, mais tu t'es employé à compenser ça par une grande volonté affichée qui t'aidait à te surpasser un peu. Au cours du match décisif contre la Croatie, on t'a demandé de jouer en latéral droit, et tu t'y es collé avec abnégation, même si ce n'était pas toujours avec bonheur, encore que tu manquais ainsi cruellement à notre milieu de terrain.

Tu étais considéré à un moment donné comme un autre caïd du groupe avec Alex Song, ce qui, au sein des Lions, signifie que tu tenais tête à Samuel Eto'o dont tu n'acceptais pas le diktat, disait-on. Mais, depuis que tu es à Séville, tu sembles être devenu un autre homme : plus humble, plus sobre, plus à la disposition du collectif. Ta tendance à vouloir mener le jeu, à toucher tous les ballons, fait désormais partie de l'ancien Mbia. Et tu en es devenu plus efficace encore, et ce n'est donc pas un hasard si tu as grandement contribué au titre européen de ton club espagnol. Arrivé blessé dans la tanière des Lions, on a vu tous les efforts que tu faisais de façon transparente pour revenir à un bon niveau. Malheureusement, comme tous les autres, tu n'as pas fait preuve de professionnalisme à Yaoundé, et cela s'est ressenti sur ta condition physique. L'ancien Mbia réclamait avec arrogance un poste au milieu de terrain, mais on le mettait en défense centrale ; le nouveau Mbia joue là où on le classe, mais il s'est imposé à tous que son meilleur poste est dans l'entrejeu.

Je suppose que tu t'es tellement assagi que tu ne veux plus replonger dans tes attitudes de caïd, et je devine donc que tu ne veuilles plus te mêler des affaires dans les Lions indomptables, mais je pense que tu ne peux pas te débiner non plus. Il faut que tu dises le diagnostic que tu établis sur les échecs à répétition de notre équipe nationale depuis plus d'une décennie. Stéphane, c'est quoi le problème ? Pourquoi vous ne gagnez plus rien depuis ? N'aie pas peur de parler, parce qu'il ne t'arrivera rien, puisque les camerounais ne te laisseront pas bannir de l'équipe nationale au moment où ils estiment que tu es dans la plénitude de ton art. C'est maintenant ou jamais que tu dois parler !

● Jean II Makoun

Avec les 2 magnifiques buts que tu as marqués à Yaoundé face à la Tunisie, tu as été un grand artisan de notre qualification pour Brésil 2014. Aucun supporter normal des Lions indomptables ne pouvait demander que tu ne sois pas sélectionné pour cette compétition, surtout avec le bon état d'esprit dont tu étais crédité. Seulement, en y allant blessé, tu as sans doute sapé tout le crédit dont tu bénéficiais auprès du public qui a toujours reconnu en toi un homme modeste, vrai, qui n'a aucun scrupule à aller manger les beignets-haricots avec ses amis d'enfance quand il est au pays. Oui, aujourd'hui, il se trouve des gens qui te présentent dans les médias comme un escroc : pour eux, pour ne pas perdre les 56 millions et plus de primes à gagner, tu n'as pas hésité à mentir sur la gravité de ta blessure, puis à manœuvrer avec le clan des anciens pour être maintenu dans la liste des 23.

Tu n'as disputé aucun match de préparation, et ton entrée vers la fin du match contre le Brésil ressemble fort à une réponse que tu voulais adresser à ces détracteurs en leur montrant que tu n'étais plus vraiment blessé. Crois-moi, ton entrée n'a convaincu personne quant à ta réelle capacité à disputer cette Coupe du Monde. Tout le monde pense que tu fais partie des joueurs blessés et protégés dont parlait Jean Armel Kana Biyik. Tu te serais donc fait payer indûment plusieurs millions de francs, en barrant la voie à un autre joueur valide qui aurait pu jouer effectivement. Je ne sais pas vraiment à qui ceux qui le disent pensent, mais j'ai cru avoir entendu des noms comme Emana, Bekamenga, Thierry Makon, etc.

Tu as donc des comptes à rendre au public du Cameroun. Ta conférence de presse de l'autre jour au Brésil avec le sélectionneur Finke ne peut pas suffire à te dédouaner. Je ne suis même pas certain que la publication de ton bulletin de santé, ou l'intervention de l'équipe médicale des Lions arriveront à changer le qualificatif insultant qui t'est attribué depuis quelques jours. Il faudra que tu viennes t'expliquer ici de façon claire, pour dire ce qui ne va pas dans la tanière, et pourquoi vous nous avez autant menti, nous berçant de faux espoirs alors que vous saviez que nous ne ferions rien au Brésil. Je n'irai pas jusqu'à te demander de rembourser les primes que tu as perçues (tu ne les as pas volées), mais je pense que tu devrais sérieusement réfléchir à faire un geste de cœur pour la société camerounaise, afin de calmer la colère compréhensible de ceux qui t'ont adulé hier, et qui te vomissent aujourd'hui.

Charles Mongue-Mouyeme

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