• Nous avons cru qu'en acceptant de venir inaugurer le Centre d'Excellence de la CAF à Yaoundé, Sepp BLATTER prenait un gros risque, celui de se faire conspuer par des Camerounais qui l'accusent de tirer les ficelles de la mafia qui a plongé notre foot dans les ténèbres. Plus naïf que nous autres, on meurt !


Sepp Blatter peut se frotter les mains. Mission accomplie © CFB/Vincent Kamto

Sepp BLATTER aurait même pu dire, au moment de prononcer son discours, « me voici donc à Yaoundé ! » en s'inspirant du « me voici donc à Douala » prononcé par le président Paul BIYA dans un discours à Douala-la-rebelle pendant les années de braise, rien ne lui serait arrivé. Pourtant, une partie importante des milieux footballistiques du Cameroun nourrit beaucoup de griefs contre le Président de la FIFA. Et comme sa venue à Yaoundé avait été annoncée plusieurs semaines à l'avance, on se serait attendu à ce que des gens soient mobilisés pour lui montrer qu'on était fâché avec lui.

 

En effet, des camerounais pensent que si nous avons dû subir une gouvernance désastreuse et arrogante à la tête de la FECAFOOT pendant plus d'une décennie, c'est parce que cette équipe-là bénéficiait du soutien de M. BLATTER. Le comble aura été cette lettre de félicitations adressée à son « Cher Ami » Iya MOHAMMED qui venait d'être « réélu » à la tête de la FECAFOOT alors qu'il était déjà incarcéré à la prison de Yaoundé. On a cru que le caractère récent de cette bourde amènerait le président de la FIFA à réfléchir par deux fois avant de « s'aventurer » au pays de John NDEH.

Le « Parrain » est au Cameroun !

Tous ces gestionnaires du foot camerounais qui se sont enrichis de façon ostentatoire avec l'argent produit par les footballeurs, n'ont jamais été inquiétés par la FIFA. Au contraire, des simulacres d'enquêtes ont été diligentés par l'équipe de M. BLATTER qui opère au secrétariat général de la FIFA, pour disculper et blanchir ces rapaces de notre foot. Nombre de camerounais estiment que le marionnettiste en chef de cette mafia n'était autre que M. BLATTER, et il était à craindre que l'antipathie qu'on lui voue au pays du magistrat NGAK MAHOP lui soit démontrée lors de sa visite à Yaoundé. Et il n'est pas sûr que l'invocation de la mémoire de Marc Vivien FOE (« je l'ai accompagné jusqu'à sa dernière demeure ») à l'entrée de son discours aurait pu inverser ce sentiment anti-BLATTER.

Des Camerounais en veulent à M. BLATTER parce que sa thèse sur la non-ingérence des États dans les affaires des fédérations a servi de sauf-conduit à des individus de mauvaise moralité qui sont allés jusqu'à défier l'État du Cameroun, et à en mépriser les autorités administratives. Mais il a suffi qu'une plainte soit déposée contre la FIFA au TAS après la suspension du Cameroun, pour que M. BLATTER fasse lever cette suspension après une rencontre avec des autorités étatiques du Cameroun, démontrant ainsi que cette thèse de non-ingérence était à géométrie variable. Après avoir couvert l'insolence des prédateurs de notre foot qui se croyaient au-dessus des lois du Cameroun, M. BLATTER a eu le courage de dire à Yaoundé : « Le sport doit être autonome. Mais autonome ne veut pas dire indépendant ». Impunément !


Le Parrain tout sourire avant la coupure du ruban symbolique © CFB/Vincent Kamto

La cote de popularité de M. BLATTER dans le Cameroun du football ne saurait être élevée, quand on pense que c'est lui qui a certainement imposé au Comité de Normalisation de conserver en poste le secrétaire général honni de la FECAFOOT. Des gens estiment que l'échec du Comité de Normalisation dans ses missions est dû à son embrigadement par la FIFA à travers son correspondant préféré qui tient toujours l'administration de la fédé. Et la prorogation du mandat de ce comité de normalisation par la FIFA qui ne semble rien lui reprocher, sonne comme un soutien à l'immobilisme et même à la poursuite de la déchéance du foot camerounais. Sepp BLATTER, comme pour défier les pourfendeurs du Comité de Normalisation a, sans peur, déclaré ceci à Yaoundé : « nous avons une organisation pyramidale. Le Comité exécutif avait décidé de nommer une commission de normalisation qui a été constituée et acceptée. Elle n'avait pas achevé son mandat. C'est pourquoi le Comité a décidé de prolonger son mandat afin qu'elle puisse terminer le travail entamé ». Ailleurs, des propos aussi triviaux et condescendants n'auraient pas été gobés si facilement.

Sepp BLATTER vient inaugurer fièrement le centre d'excellence de la CAF, alors que dans la même ville de Yaoundé, il y a un centre de la FECAFOOT financé par la FIFA à plus grande hauteur, dont le chantier de construction a été dévoyé, manifestement suite à des détournements de fonds. Il y a aussi un siège en construction de la FECAFOOT dont le coût est jugé exorbitant au regard des besoins réels du foot camerounais. Le président de la FIFA a royalement ignoré ces autres constructions, comme s'il ne souhaitait pas que les attentions se braquent sur elles, et qu'on note la curieuse complaisance de la FIFA à ce sujet. Comme dirait le comédien EDOUDOUA NON GLACE, « ce sont des choses comme ça qui énervent souvent les camerounais », M. BLATTER !

Où étaient les mécontents du football camerounais ?

Il y avait donc suffisamment de raisons qui auraient pu engendrer des protestations véhémentes de la part de ceux qui veulent un véritable redécollage du foot camerounais. Et comme on a vu récemment des jeunes gens mobilisés à Douala contre le refus par le Comité de Normalisation d'appliquer une sentence de la chambre de conciliation et d'arbitrage du CNOSC, nous nous attendions à voir des gens avec des pancartes de messages forts sur le parcours de M. BLATTER à Yaoundé, et même sur le lieu de la cérémonie d'inauguration.

Des messages du genre : « M. BLATTER, libérez le foot camerounais », ou « Y en a marre de votre mafia à la FECAFOOT » ou « M. BLATTER, débarrassez-nous de votre comité d'anormalisation ! ». Des vuvuzela, des sifflets, des tam-tams, des cymbales, tous ces instruments qui produisent du bruit auraient été utilisés pour attirer l'attention sur les manifestants, afin que les médias nationaux et internationaux relaient les cris de détresse du foot camerounais qui se meurt. Des escouades de police auraient certainement été mobilisées par ces « élites » qui faisaient les paons devant le président de la FIFA à force de discours pompeux et inconsistants, mais le mouvement aurait fait le buzz.


Quelques anciens Lions ont répondu présent © CFB/Vincent Kamto

Au lieu de cela, on a eu droit à des propos révoltants de la part de M. BLATTER : « Sachez que, tout incident, toute tragédie a finalement quelque chose de bien, parce qu'aujourd'hui on peut dire, c'était un match tragique au stade de Gerland à Lyon. Mais, il nous a ouvert les yeux, et a ouvert le chemin à une meilleure médecine...puisque nous avons désormais dans chaque stade un défibrillateur. » Le président de la FIFA a-t-il déjà assisté à un match de foot dans les stades du Cameroun pour y avoir vu un défibrillateur ? L'arbitre du match de Ligue 2 (Botafogo de Douala vs Aigle de la Menoua disputé à Douala le 12 mai 2014), qui a été assommé par des projectiles lancés de la tribune au moment de pénétrer dans les vestiaires, a-t-il bénéficié des services d'un défibrillateur pour le ramener de sa perte de connaissance ? Chiche !

Toujours dans le registre des propos provocateurs de M. BLATTER : « Le football se développe bien en Afrique dans son organisation, dans le jeu, même si dans certains pays, les anciens colons ont de la peine à réinvestir de l'argent dans ce continent. Issa Hayatou est d'ailleurs pour beaucoup dans ce développement ». Oser dire que le foot se développe bien en Afrique, alors qu'on se trouve à Yaoundé, capitale du Cameroun, pays où aucun stade n'est aux normes de la FIFA, où la confection d'un calendrier de championnat relève de la magie, où des footballeurs « professionnels » gagnent 50 000 FCFA (environ 76 euros !) de salaire mensuel, mais accumulent quand même plusieurs mois d'arriérés de paie, y a-t-il pire moquerie ? Il parle de quel développement du football dans un pays où le foot- jeunes n'existe pas ?

Démagogie et salamalecs

« Je suis terriblement touché. Je ne suis même pas triste, je deviens fâché maintenant. Je suis fâché qu'on n'arrive pas à lutter contre le racisme et la discrimination, surtout contre le racisme », a ajouté Sepp BLATTER. A quelle heure (comme on dit chez nous) ? Si ce n'est pas de la démagogie, qu'est-ce que c'est ? Des insultes racistes inondent nos joueurs tous les jours dans les stades en Occident, et au lieu que la FIFA prenne des mesures fortes, elle se contente de « condamnations » verbales et de slogans.

Et c'est à Yaoundé que M. BLATTER vient suggérer qu'il y a autre chose à faire, en rejetant la responsabilité aux commissions disciplinaires : « la première fois où, dans un contexte de compétition, une commission de discipline et de contrôle aura le courage d'enlever des points d'une équipe, le racisme sera fini ». Ce n'était donc qu'une question de courage ! Si la FIFA commençait à faire preuve de courage à la Coupe du Monde, en prenant en compte aussi le racisme des arbitres et des organisateurs-sponsors qui ne veulent pas voir les « petites nations » arriver au sommet de cette compétition-business, alors les Lions indomptables et les autres représentants de l'Afrique à Brésil 2014 pourraient commencer à rêver grand !


Marlène Emvoutou pose aux côtés d'Emmanuel Ngassa Happi © CFB/Vincent Kamto

Au lieu de protestations contre le mauvais rôle que la FIFA joue dans le football camerounais, nous avons plutôt eu un ballet de « personnalités du foot » qui faisaient des pieds et des mains pour serrer la main à M. BLATTER, et poster la photo dans les réseaux sociaux avec des commentaires montrant à quel point elles sont importantes parce que Sepp BLATTER a eu un mot gentil envers elles. On a entendu les plus grands superlatifs pour décrire le centre d'excellence de la FIFA, venant parfois de gens qui ont beaucoup voyagé grâce au foot, et qui savent que dans de nombreux pays, y compris en Afrique, des clubs de foot disposent de tels centres, l'épithète « excellence » en moins.

On a vu des repris de justice récents interrompre leur tranquillité familiale retrouvée, pour apparaître en photo avec le président de la FIFA (dans l'espoir d'une rédemption ?). Excès de zèle, courbettes, salamalecs, voilà ce qu'on a le plus vu au cours de cette inauguration de Mbankomo, alors que le football camerounais traverse une crise de très forte amplitude. On n'a même pas fait l'économie du ridicule, avec ces jeunes filles qui arboraient des t-shirts sur lesquels était inscrit « le football féminin vous dit merci » alors que ce foot est dans l'impasse au pays !

Du côté des comités de redressement-refondation-reconstruction-redécollage, c'était le silence radio. Personne ne souhaitait que Sepp BLATTER « mette l'œil » sur lui, au risque d'hypothéquer une future carrière dans la gestion du football. Eh oui, les soi-disant mécontents du foot camerounais sont plus préoccupés par leur propre avenir dans le foot que par le réel développement de celui-ci. La visite du président de la FIFA au Cameroun l'a confirmé, pour ceux qui en doutaient encore. Le messie qu'une partie de l'opinion voyait en M. BLATTER pour sauver le foot au Cameroun, s'est avéré être du même tonneau que celui qui est apparu récemment du côté de Nsimalen à Yaoundé : un mirage !

Sepp BLATTER est donc venu à Yaoundé, il n'a rien vu du foot camerounais réel, il n'a rien entendu des contestataires de sa gouvernance, il a rencontré le chef de l'État (il a même pris son pouls et l'a déclaré en forme), il est reparti, l'esprit tranquille du devoir (électoraliste ?) accompli, avec dans ses bagages la clé d'une partie de Yaoundé.

Parlez encore !

Charles MONGUE-MOUYEME

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    23.07.14 09:47
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  • Rafraichissant et pointu
    23.07.14 03:25
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