Tactique : Le Mondial a montré des limites et ouvert de nouvelles avenues
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25 Juin 2014
Les Lions posent avant d'affronter le Brésil © Getty Images
Quand j'ai vu les chefs de ton village à l'Ouest Cameroun t'ennoblir et te bénir au cours de la cérémonie organisée pour la remise des salles de classes que tu as construites dans ta contrée, j'ai tout de suite pensé à la Coupe du Monde 1982. En effet, Onana Eloundou, défenseur de Fédéral de Foumban avait profité aussi du quartier libre de 48h avant l'envol vers l'Espagne, pour aller se faire bénir à Foumban, à la demande du Sultan Bamoun de l'époque. Et à la Coupe du Monde, il avait pris la place du Général François Doumbè Léa, pourtant désigné comme meilleur libéro d'Afrique. Et si Wébo gagnait une place de titulaire en Coupe du Monde en marquant beaucoup de buts, me suis-je dit ? Il n'en a rien été, tu n'as joué que quelques minutes, sans impact significatif sur notre jeu. Est-ce à dire que ceux qui t'ont donné les bénédictions au village ne sont pas puissants ? Ou alors, à force de traverser les fuseaux horaires sur la route du Brésil, les « écorces » ont perdu leurs pouvoirs ?
Je ne t'apprends rien si je te dis qu'une bonne frange de l'opinion pense que tu dois tes sélections dans les Lions à ta grande amitié avec Samuel Eto'o qui exigerait toujours ta présence dans l'équipe. Tu en as d'ailleurs parlé un peu lors d'une sortie que tu avais faite au lendemain de notre qualification pour la Coupe du Monde 2014, mais cela m'a semblé un peu timide comme sortie, et pas assez consistant. Tu es dans cette sélection depuis de longues années, malgré la faible cote d'amour dont tu bénéficies auprès du public. Tu as disputé des Coupes du Monde et des Coupes d'Afrique des Nations, et il me semble que tu n'as plus grand-chose à perdre aujourd'hui, ce qui devrait te permettre de donner ta version des faits sur ce qui coince dans les Lions Indomptables. Tu sais que la principale demande du monde footballistique camerounais est que le foot camerounais en général, et l'équipe nationale du Cameroun en particulier soient refondés, reconstruits. Et je ne trahis aucun secret si je dis qu'il ne me semble pas qu'on pense à toi pour cette reconstruction. Au contraire, tu ferais plutôt partie de ceux qu'on demande de rayer de cette sélection nationale.
Tu nous dois bien ta contribution dans cette phase de vérités qui précède celle du diagnostic, puis celles des solutions et de l'action.
● Samuel Eto'o Fils
Monsieur le capitaine des Lions Indomptables du Cameroun, si chaque fois que ton nom était prononcé en bien ou en mal dans les affaires du foot au Cameroun, cela t'ajoutait un an de vie, je crois que tu vivrais éternellement. Quand on ne te glorifie pas, on te descend en flammes. Tu es mangé à toutes les sauces, tantôt ange (de moins en moins), tantôt démon. Quelle épaisse carapace tu as, pour résister aux manifestations débordantes de passion de tes fans, et aux élans de haine de tes détracteurs ! Tes admirateurs disent que les gens sont jaloux de ta gloire et de ta fortune, et tes pourfendeurs pensent que ta fortune t'est montée à la tête, et que tu veux écraser tout le monde.
Et ça ne s'arrête jamais. Parce que, comme on le dit chez nous, « toi-même aussi tu aimes trop ton nom ». Cela signifie que tu n'aimes pas quand c'est calme autour de toi, quand on ne parle pas de toi pendant un moment. Tu t'arranges toujours à poser un acte, à faire une sortie médiatique qui va faire le buzz. On pense que tu te nourris de l'adversité, que les situations conflictuelles sont pour toi un stimulus pour avancer sur ton chemin de gloire. J'ai même entendu dans des discussions de carrefour ou de « deux-zéro » du dimanche que tu appartiens à une secte qui t'impose de rechercher cette adversité pour gagner plus d'argent encore. Les apprentis-sorciers qui le disent pensent que Mourinho appartient à la même secte, d'où sa propension à la provocation, comme toi.
Certains analystes du foot camerounais situent les déboires de notre équipe nationale à ta prise du brassard de capitaine à Rigobert Song. Même ton ancien coéquipier Eric Djemba Djemba est passé dans les médias à Douala pour dire que tu avais quasiment corrompu Paul Le Guen dans l'avion qui l'amenait au Cameroun pour prendre ses fonctions, et dans lequel tu te trouvais comme par hasard. Tu aurais donc fait un coup bas à Song, et tu en aurais hérité une malédiction qui fait que le Cameroun ne peut rien gagner tant que tu resteras capitaine. Je ne sais pas comment tu feras pour dissiper toutes les affirmations qui sont faites autour de ce brassard, mais je me demande si tu ne devrais pas organiser une séance de communication à 3 avec Rigo et Paul Le Guen. J'avoue que le mutisme de Rigobert Song sur cette question me gêne un peu, de même que celui de Gérémi Njitap par exemple. Il faut définitivement faire la lumière sur cette affaire.
On dit que c'est toi qui décide quasiment de tout au sein des Lions Indomptables : tu fais sélectionner des joueurs (Wébo, Olinga, Makoun, etc.) ; tu bloques la sélection d'autres (Emana, Dongou) ; tu manœuvres pour que certains ne te fassent pas ombrage en refusant leur titularisation (Aboubacar Vincent), ou pour protéger tes amis (Bédimo). Il se dit que tu échappes au contrôle du sélectionneur, et tu en profites pour faire ce que tu veux dans la tanière : quand les Lions dorment au Mont Fébé, toi tu serais au Hilton où tu prendrais du bon temps. Tu choisirais quand tu t'entraines, et quand tu prends du repos. C'est toi qui aurais convaincu les joueurs d'exiger plus d'argent de primes, et tu serais à l'origine de la grève de Yaoundé au moment d'aller au Brésil. Tu aurais intimé l'ordre à tes coéquipiers de rentrer dans les vestiaires pour ne pas prendre le drapeau que le 1er ministre devait vous remettre. Et au Brésil, tu aurais imposé Chedjou et Assou Ekotto contre le Mexique, alors que le sélectionneur voulait reconduire l'équipe qui avait joué contre l'Allemagne.
Samuel Eto'o, pourquoi te croyais-tu obligé de passer sur une chaîne de télé au Cameroun pendant presque 2 heures, la veille du match contre la Moldavie à Yaoundé ? Etait-ce vraiment professionnel de ta part, alors que l'équipe était en stage de préparation ? On dit que tu as obtenu la permission de le faire, mais si on pense qu'on ne te refuse rien dans les Lions, alors c'était à toi de t'abstenir d'effectuer une telle sortie à ce moment-là. De la même façon, tu as envoyé une lettre au peuple camerounais depuis le Brésil pour excuser tes coéquipiers et toi sur tout ce qui s'était passé à Yaoundé. Quel était le sens de cette lettre à la veille d'un match important d'entrée de Coupe du Monde contre le Mexique ? Tiens-tu vraiment à donner raison à ceux qui estiment que tu es très mal conseillé en matière de communication ? Es-tu conseillé en communication, et suis-tu les conseils qui te sont fournis ? Comment expliques-tu que tes sorties médiatiques soient si souvent inopportunes et nuisibles pour le groupe dont tu es le capitaine ?
Dans une interview pour expliquer pourquoi les négociations sur les primes trainaient, tu as dit que vous ne vouliez plus que l'argent du contribuable camerounais soit décaissé pour payer vos primes. On a bien reconnu là une incursion dans le domaine du populisme, mais dans quel dessein ? De même, tu affirmais que vous vouliez savoir à quoi servait l'argent du foot qui ne vous est pas versé : t'es-tu rendu compte que tu sortais de ton rôle en posant des préoccupations d'administrateur de la FECAFOOT ? On a cru percevoir dans tes propos les réminiscences de ton combat contre la FECAFOOT. Et au Brésil, il paraît que tes coéquipiers et toi avez exigé que vos familles voyagent avec vous dans le même avion pour aller disputer le match contre la Croatie, sous prétexte que les « officiels » qui vous accompagnaient s'octroyaient ce privilège. N'es-tu pas en train d'impliquer l'équipe nationale dans un combat personnel contre les dirigeants de la FECAFOOT ? Si tel est le cas, es-tu disposé à assumer une part importante de l'échec de la campagne 2014 au Brésil ?
Toujours dans cette guerre larvée mais féroce que les dirigeants de la Fédé et toi vous livrez depuis quelques années, il se dit que tu as même financé la création de médias au Cameroun dans le but de pilonner la FECAFOOT et faire tomber le système Iya Mohammed. Dans le même but, tu financerais des procès au TAS, et des associations destinées à récupérer la gestion de la fédé. J'ai même entendu des gens dire que tu aurais investi beaucoup d'argent pour faire emprisonner Iya Mohammed. Certes, il est évident qu'il y a de l'exagération dans toutes ces « révélations », mais comme tu ne rates pas une seule occasion pour dénoncer le grand amateurisme de la FECAFOOT, tu es forcément en opposition avec la gouvernance de cette instance. Que recherches-tu ? Veux-tu faire main basse sur la FECAFOOT pour assouvir la soif de pouvoir absolu sur le foot camerounais qu'on te prête ? Dans ce cas, n'es-tu pas trop pressé, toi qui déclares être encore assez loin de ta fin de carrière ? Quand on réalise que ceux que tu combats étaient majoritaires dans la délégation officielle du Cameroun au Brésil, n'est-on pas en droit d'estimer que les Lions Indomptables pâtissent de tes combats et ambitions personnels ?
Pour finir Samuel, c'est quoi cette affaire de plainte contre une copine qui fait le buzz dans les réseaux sociaux et les journaux du Cameroun ? D'accord c'est un problème privé, mais sachant à quel point le moindre de tes gestes est scruté, tes avocats ne pouvaient-ils pas attendre la fin de la Coupe du Monde pour porter plainte ? Y aurait-il eu prescription ? Et ces avocats-là ne pouvaient-ils pas se retenir de se mettre en évidence en entrant dans une guerre ouverte contre certains médias qui pratiquent un journalisme bizarre qui ignore toutes les règles de décence ? Tu as beau être très solide, tu es certainement habitué à faire face à l'acharnement médiatique, mais ton esprit enregistre tous ces coups, et même si tu ne l'admets pas, tu es à coup sûr perturbé, ce d'autant plus que ta blessure au genou était déjà un motif de déstabilisation.
Tu as annoncé un déballage après la Coupe du Monde, mais tu sais très bien que le fait de l'avoir dit va pousser tes « adversaires » à préparer une contre-attaque, en recherchant notamment tout ce qui peut te salir au maximum. Tu vas subir des pressions de personnes importantes à tes yeux qui te diront de ne pas faire ce déballage, parce qu'elles se protègeraient ainsi, ou protègeraient d'autres personnes qui risqueraient d'être sérieusement éclaboussées par tes révélations. Es-tu vraiment préparé à faire face à la riposte de ces gens qui te considèrent comme un lâcheur qui, ayant emmagasiné une grosse fortune, s'est émancipé des sombres combines dont il a bénéficié jadis ?
J'aurais pu parler aussi à Benjamin Moukandjo pour l'appeler à observer un minimum de respect envers un aîné comme Assou Ekotto, et lui dire de discipliner un peu plus son jeu pour pouvoir être utile au très haut niveau. Courir balle au pied, percuter, c'est bien, à condition de savoir ce qu'on va faire avec le ballon pour servir le collectif. J'aurais pu aussi demander à Choupo Moting pourquoi l'enjeu de la Coupe du Monde l'a à ce point perturbé qu'il a oublié qu'il était le meilleur détonateur des Lions pendant les matchs de préparation.
A Cédric Djeugoué j'aurais pu dire de ne pas faire de vagues lorsque ses « parrains » récupéreront une partie de ses primes contre la promesse de continuer à le convoquer au sein des Lions, et celle de le placer à l'étranger. Un des anciens joueurs qui composaient la délégation de la fédé au Brésil avait ainsi trahi son vrai sélectionneur en 1994, mais il était en fin de carrière, et cela n'a pas vraiment eu d'effet sur lui. Lui qui commence une carrière prometteuse doit faire attention à ne pas apparaître comme un « ingrat » vis-à-vis de ses parrains qui peuvent lui garder une rancune tenace et plomber son avenir. Ce conseil pourrait s'appliquer aussi à Loïc Feudjou.
A l'ensemble de l'équipe, je ne peux m'empêcher de faire remarquer qu'ils n'ont pas été à la hauteur de cette Coupe du Monde. Sur les plans physiques et athlétiques, ils ont été complètement bouffés, sauf pendant la 1ère mi-temps contre le Brésil. Sur le plan technique, ils ont également étalés de grosses limites. Tel qu'ils se sont présentés au Brésil, ils étaient bien loin du haut niveau international, et leur élimination avec fracas était logique. Ils doivent en prendre conscience et redevenir simplement des joueurs de foot qui ont à cœur d'améliorer chaque jour un peu plus leurs performances. Après le foot, ils auront tout le loisir de faire de la politique, ou d'essayer de gérer le foot camerounais.
Chers Lions Indomptables, les camerounais ne sont pas contents de vous. Certains esprits malins ont fortement œuvré pour vous diaboliser, vous traitant de traitres et de mercenaires. Les médias ont relayé bruyamment cette grosse campagne de dénigrement contre vous, et vous n'êtes pas en odeur de sainteté au pays en ce moment. Vous devez chacun d'abord, et peut-être tous ensemble, penser à des actions de communication pour édifier le public sportif du Cameroun sur ce qu'aura été réellement votre mésaventure brésilienne. Si vous travestissez ou masquez encore la vérité comme en 2010, l'histoire vous retiendra comme la génération maudite du foot camerounais.
Et quand vous aurez fini de vous expliquer, faites un bon geste pour votre pénitence et votre rédemption. Nos terrains de foot manquent cruellement de gazon synthétique ; le stade de la Réunification n'a pas d'éclairage ; les jeunes sont en vacances, et veulent jouer au foot dans des tournois. Une partie de vos primes peut servir à régler ce type de problèmes. C'est votre argent, personne ne le conteste, mais faites un bon geste pour atténuer la colère des camerounais. Il y a des moments où, même quand on croit avoir raison, il vaut mieux faire profil bas.
Vous venez de confirmer que vous êtes capables du pire, montrez que vous êtes aussi capables du meilleur. Sauf votre respect !
Charles MONGUE-MOUYEME
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