Pour en finir avec le Mondiale '90

03 Octobre 2011
Posted in Opinions - Le Billet de la Rédaction

● Après la sortie tonitruante de Stephen Eta Tataw à l'endroit de Joseph Antoine Bell sur les faits que ce dernier relate dans son autobiographie "Vu de ma cage", il nous est obligé de donner un modeste avis. L'ancien capitaine des Lions Indomptables n'est d'ailleurs pas le seul à vouloir contredire Bell sur ce qui s'est passé avant, pendant et après ce Mondial charnière. D'autres coéquipiers ont voulu revendiquer une part de ce succès en évoquant d'autres arguments qui auraient grandement joué en faveur de la sélection nationale.

Albert Roger Miller © DR

Sur cette supposée mise au point de Stephen Tataw, il est surprenant que cela intervienne aussi loin dans le temps, qui plus est, au lendemain de l'officialisation de Joseph Antoine Bell comme consultant auprès du Minsep. Prendre le prétexte d'un livre et surtout l'occasion "offerte" par un média pour mettre les points sur les "i" nous semble dicté par l'une des raisons suivantes : un capitaine à qui l'on demande de prendre la parole une fois pour toutes au nom de la sélection nationale de 1990 pour "rectifier" des faits; un clan qui n'a pas apprécié les faits relatés dans "Vu de ma cage" ou des vautours inquiets de voir l'ex-gardien international avoir l'oreille directe du patron des sports au sein du gouvernement.

Pour ce qui est de l'un des chapitres qui a soulevé l'ire du Sieur tataw, la grande part de vérité sportive est que les Lions Indomptables de 1990 réunissaient une majorité de joueurs extrêmement compétitifs pour une part, et dotés d'une grande expérience internationale d'autre part. Ce qui veut dire que la responsabilité -méritoire- même du collectif d'entraîneurs mené par le soviétique Valeri Nepomnyaschchi est faiblement engagée sinon que d'avoir mis sur pied cette sélection.

Cela dit, deux grandes questions posées hier et aujourd'hui sont de savoir si les Lions Indomptables ont bénéficié d'une préparation adéquate et si Albert Roger Miller devait faire partie des 22 Lions. À l'époque, notre réponse était NON et elle le demeure. Dans le cas Miller parce que ce génial joueur était en fin de course et retraité à la Jeunesse Sportive Saint-Pierroise dans la lointaine Réunion et qu'il y avait une dynamique ayant propulsé les Lions en phase finale de Coupe du Monde. Le noyau des qualifications et surtout les joueurs les plus en forme devaient logiquement  être ceux qui défendraient les couleurs du pays en Italie. Mais d'autres considérations furent prises en compte dont l'intégration du "soldat" Albert Roger Miller. Ceux qui ont réellement vécu les entourloupettes des arcanes sportives savent très bien de quoi il est question et comment ça se passe.

L'autre part de vérité sportive est que la préparation des Lions Indomptables a été un véritable désastre et ces faits, Joseph Antoine Bell les relate tout simplement de son point de vue. Que l'on puisse en faire des interprétations différentes, soit. Mais qu'on ne prétende pas qu'il ne s'est rien passé de très mauvais avant et pendant la campagne d'Italia 90', est fortement désolant. Nous ne méritions tout simplement pas ce traitement là. Les tractations ayant eu cours entre staff, joueurs et représentants de l'État furent hautement dommageables à l'esprit d'équipe et la mauvaise influence de conseillers toxiques maquillés en reporters de malheur poussa à liguer la nation contre ce fauteur de troubles qu'était Joseph Antoine Bell.

Dire que la vérité du terrain, la justice de Dieu et la très haute magnitude de l'État nous permirent de réussir notre Mondial est pompeusement prétentieux. À ceux qui auraient la mémoire courte et à ceux qui ne connaissent l'histoire des Lions Indomptables que depuis l'an 2000 se le tiennent pour dit. Joseph Antoine Bell n'a été ni le premier ni le dernier à se plaindre d'une façon de faire toute camerounaise dans la gestion de la chose sportive en général et footballistique en particulier. Cela s'est encore vérifié très récemment avec les Lionnes Indomptables de football et les sélections de basketball et de volleyball. Et même le très respecté Patrick MBOMA en son temps international et par la suite "manager général en attente" s'en est ouvert dans une interview qui a fait le tour du monde.

Nous l'avons dit sur nos écrans, Joseph Antoine bell a toujours été fidèle à un esprit : celui de revendiquer un peu de lucidité, de mise en oeuvre conséquente des projets sur le football camerounais et de sa gestion au quotidien. 1990 fut une année pleine et exceptionnelle pour le football africain grâce à cette prestation des Lions Indomptables. Le continent tout entier y gagna plus qu'en notoriété et le Cameroun, objet de cet exploit, aurait logiquement dû en bénéficier sur tous les plans. Qu'on nous dise ce qui a changé depuis. La Coupe du monde suivante vint nous rappeler doulourousement qu'on ne se moque pas toujours du destin. Ce dernier peut nous faire un clin d'oeil une fois, mais à la longue, il ne faut pas trop tirer sur la corde.

Le Cameroun aurait-il pu effectuer un parcours identique sans Albert Roger Miller ? Nul ne le sait. Les Lions Indomptables sont-ils arrivés en 1/4 de finale de ce Mondiale '90 grâce à lui ? Un peu beaucoup. Nous évoquions plus haut les circonstances du destin et nous rappelerons qu'il était de l'expédition Espagnole de 1982 avec le meilleur collectif des Lions Indomptables de l'histoire (à notre avis) et fut également du périple foireux des USA en 1994. Sa présence seule ne pourrait donc être considérée comme un facteur décisif dans le parcours de la sélection nationale en 1990.

L'héritage de cette Coupe du Monde ne doit plus tourner autour de trois joueurs, qui, ironie du sort, sont tous partis du même moule de l'Éclair de Douala pour illuminer le football africain : Joseph Antoine Bell, Albert Roger Miller et Thomas Nkono. Le Mondial 1990, ce sont aussi : JACQUES SONGO'O, JULES DENIS ONANA, BENJAMIN MASSING, BERTIN EBWELLE NDINGUE, EMMANUEL KUNDE, ALPHONSE YOMBI, STEPHEN ETA TATAW, VICTOR NDIP AKEM, ANDRE KANA-BIYIK, ÉMILE MBOUH, LOUIS PAUL MFEDE, JEAN-CLAUDE PAGAL, ROGER FEUTMBA, THOMAS LIBIIH, EMMANUEL MABOANG KESSACK, FRANCOIS OMAM-BIYIK, EUGÈNE EKEKE, BONAVENTURE DJONKEP ET CYRILLE MAKANAKY.

Le capitaine de cette sélection a choisi de faire une sortie tonitruante en éructant ce qu'il prétend être les faits véridiques de l'expédition italienne. Malheureusement ce ne sera aussi que son point de vue à lui et surtout celui d'un capitaine certainement blessé d'être apparu comme sans colonne vertébrale alors que se jouait l'avenir d'une sélection en coulisses. Pour être conséquent avec lui même, qu'il porte plainte secondé de tous les gens blessés pour diffamation au lieu de se cacher derrière un pseudo honneur à ne pas faire à Joseph Antoine Bell. Pour le reste, nous savons, pour les connaître personnellement, que plusieurs membres de cette aventure sont discrets et réservés de nature. Il faudrait pourtant qu'une fois pour toutes, des choses soient dites, lues, entendues et sues.

Par honneur pour ce groupe, nous voulons aussi en garder les meilleurs moments, et si nous devions garder un souvenir impérissable sur les dizaines de belles phases de jeu réalisées par les nôtres, c'est le but marqué par Eugène EKEKE contre l'Angleterre et non, paradoxalement, le coup de tonnerre de François OMAM-BIYIK face à l'Argentine qui nous émeut, 21 ans encore plus tard. C'est une question de point de vue et d'intérêt collectif. Une composition en mouvement comme il s'en fait de moins en moins sur les terrains du monde. Un but consécutif à un enchaînement d'une simplicité imparable et d'une conclusion pleine de classe. C'est ce football là, joué par des gens intelligents et non des "arrache-clous", que nous aimons, à jamais. Si nous ne sommes pas contents des conditions dans lesquelles ont met les enfants et qu'ils en peinent sur la pelouse, nous le dénoncerons.

Léopold Nséké