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● Dans la nuit, un fou rire ne me quittait pas. Vivre en appartement n'aidait pas à me laisser aller comme un enfant et à m'abandonner à l'hilarité. Il est en effet des codes qui régissent le rapport au voisinage et le respect de ceux qui vivent à côté de soi. Mais voilà, je venais de lire le nom pour le moins insolite d'un club de football camerounais : "AS Lausanne...de Yaoundé ! "


AS Lausanne de Yaoundé en double à la première journée. Les non-affiliés sont évacués par la police © DR

Face à cette appellation des digues avaient cédé en moi. Ce nom m'apparaissait alors pour le moins insolite. C'était il y a quelques semaines. J'ai dû me battre avec le torrent d'hilarité qui menaçait de s'échapper de ma gorge et sceller un pacte d'inimitié pérenne avec mon voisinage.

Que l'on s'entende bien, le rire n'avait pas de rapport avec la valeur intrinsèque du dit club que par ailleurs je ne connais pas. Il se trouve juste que ce nom m'est apparu absolument insolite, voire incongru. Lausanne de Yaoundé ? Quelle idée étonnante. Je suis peu au courant de la géographie de la capitale mais de la Briqueterie à la Vallée de la mort en passant par Bastos, Tsinga ou Mimboman, je ne me souviens pas avoir entendu parler d'un quartier appelé Lausanne.

Quelle est donc la raison qui avait pu conduire les fondateurs de ce club à lui donner un tel nom ? Il n'était pas question de l'AS Briqueterie, AS Mimboman ou AS Tsinga, même pas de AS Yaoundé. Non ! Il était question de la Suisse à Yaoundé.

Seulement, à force de repenser au moment de la rencontre avec l'insolite nom, la franche hilarité ouvrait lentement à des questionnements inattendus qui allaient au-delà du ballon rond. Pourquoi a-t-il fallu que l'on aille chercher le nom d'une ville aux antipodes de notre capitale pour en affubler un club ? Est-ce mon esprit retors ou quelque militantisme larvé qui y voit une forme de colonisation mentale ? Est-il besoin d'aller chercher un nom en Europe pour un club de football du Cameroun ?

Un coup d'œil sur les noms des autres clubs de football rend encore plus insolite celui de l'AS Lausanne. Entre les clubs dont les noms évoquent des animaux d'Afrique ou d'ailleurs (Caïman, Léopard, Aigle, Oryx etc.), des éléments (Tonnerre, Sable), des valeurs intrinsèques à l'africanité (Union) des richesses de nos terres (Coton), la ville suisse apparaît dans toute son étrangeté. Du point de vue du nom, il est comme un étranger au milieu d'autochtones.

Le constat de cette cocasserie dirige ma pensée vers une incongruité structurelle à l'organisation du football camerounais et africain: l'entêtement à rechercher en occident et particulièrement en Europe les sélectionneurs de nos équipes nationales donnant l'impression qu'il faut impérativement sur la photo d'une équipe, un européen de type caucasien qui viendrait valider notre légitimité à affronter les nations de tous les continents !

Chercher à l'extérieur de soi ses définitions de ce que l'on est un signe de faiblesse et d'immaturité. Il serait temps de grandir si nous voulons affronter les autres nations en confiance et en utilisant au mieux notre potentiel. Au nom de cette absurdité nous avons vu défiler des hommes à la valeur et au pedigree discutables, comme si leur appartenance ethnique les qualifiait au détriment de valeureux entraineurs locaux, éternellement confinés au rôle d'adjoints ? Ces adjoints de l'ombre qui au fil des ans auront œuvré pour la cohésion du groupe, auront travaillé à relever des sélections meurtries par des échecs ou autres contre-performances. Ce sont eux les figures de stabilité de nos sélections et les brillantes instances du football ne les reconnaît pas. Le principe non dit est-il qu'ils œuvrent juste en attendant que vienne pérorer le maître, heu que dis-je le sélectionneur souvent paternaliste, davantage concerné par la manne financière que par la construction d'une équipe.

Il faut dire à sa décharge qu'une équipe se construit sur la durée et non par à coups n'en déplaise aux génies du football et du monde politique camerounais. La construction d'un groupe qui tienne la route et qui résiste aux éventuels échecs et contre-performances n'est pas le fruit de gesticulations, petites phrases et photogénie. Elle est fruit d'un travail, d'une vision, d'un programme, et d'une organisation. Paul Le Guen largement conspué suite au dernier mundial n'est que le visage d'une hérésie qu'il faut me semble-t-il combattre. S'il est vrai que je me sais profane en la matière, ceci me semble relever du bon sens.

Le terrain de combat est peut-être dans la tête, lieu d'hébergement de tant de servitudes mentales qui, cinquante ans après les indépendances supposées, nous font penser que sans le caucasien idéalement français, sur la photo, notre équipe ne serait pas complète !

C'est ainsi que nous voyons des photos de nos équipes nationales sur lesquelles, debout avec une forme d'arrogance, se tenir un homme, le sélectionneur, écho des images qui nous blessent, celles des colons et leurs ouvriers sur un chantier ou dans un champ. Il est temps de réaliser que sur cette photo comme sur celle d'antan, le gagnant n'est pas l'équipe mais le compte en banque de celui qui regarde travailler les autres et se remplit les poches.

Et si nous nous décidions enfin à travailler local, sur la durée, laissant les compétences camerounaises voire africaines faire leurs preuves ? Au moins aurions nous évacué la dimension du mercenaire et évité des aberrations telles que celle d'un sélectionneur incapable de se faire comprendre par les joueurs à cause de la barrière de la langue à l'image de l'inoubliable Valéry NEPOMNYASCHCHI.

Le nom de l'AS Lausanne, comme la présence du Caucasien sur la photo de nos équipes nationales me semblent procéder d'une même faiblesse, la vassalisation inconsciente à l'Occident. Si pour le prochain Mondial nous avions le courage de laisser travailler un technicien local, nous pourrions être surpris de la cohésion et de la maturité de nos Lions qui ne demandent qu'à redevenir indomptables. De toute façon qu'avons-nous à perdre ? En revanche nous avons à gagner indépendance et fierté à voir notre équipe aller plus haut coachée par un des nôtres.

Chantal ÉPÉE

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Commentaires 

 
# 27-01-2011 00:08
"De la vassalisation inconsciente à l'Occident?"... Il ne s'agit pas de ça. si vous proposez un service à forte valeur ajoutée à une administration, vous serez éconduit. On ira chercher un "babtou" bien de là-bas en Occident. En fait, c'est une espèce de "rétro-commission"...Savez-vous quel budget a été alloué pour accueillir, payer "liquider" le contrat de Paul Leguen? qui en a bénéficié au passage? C'est pour toutes ces raisons qu'on le choisit. Le sport n'a rien à voir là-dedans. "Yes papa", vous êtes très fort.
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# 27-01-2011 00:38
on a même eu Girondins de ngaoundéré non ? ma sœur, il y a des choses qui ont mis des siècles à s'installer et je crois qu'il faudra un tsunami mental pour s'en débarrasser...
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# 27-01-2011 08:15
g bien reconnu la plume de la grande soeur...
excellent et criard d'une vérité poignante.
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# 27-01-2011 16:20
ééééééééééé etoofille tu es où dépuuuuuuuuuuuu s non ?
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