• Pour que l'Afrique du Sud soit gouvernable après l'abolition de l'apartheid, on a eu recours à une commission vérité et réconciliation. Les haines, les frustrations, les rancœurs accumulées étaient si fortes que c'était le passage obligé pour éviter les vengeances, les chasses aux sorcières, et les règlements de compte dans ce grand pays d'Afrique.

Le football camerounais après le règne de M. Iya Mohamed présente un tableau relativement similaire à celui du pays de Desmond Tutu : il est quasiment ingérable. Ne devrait-on pas lui appliquer la solution sud-africaine ?

 

Depuis plusieurs années le football camerounais se porte très mal. Pour remédier à la situation, on a fait tenir un forum sur le foot camerounais en 2010, puis quelques mois après, il y a eu les états généraux du sport. Sans résultat. La FECAFOOT a fini par être suspendue par la FIFA en 2013, puis réhabilitée avec la mise en place d'un Comité de Normalisation. A l'observation, la gangrène n'a fait qu'empirer. Rancœurs tenaces, règlements de compte, impostures, rébellions, tricheries, violences, tout cela constitue encore aujourd'hui le menu principal du cocktail explosif qu'est le foot camerounais. Une véritable impasse. Des camps d'adversité se sont cristallisés, les positions, chaque jour un peu plus se durcissent. La normalisation est sortie de la piste qu'elle devait suivre, les guerres intestines sévissent dans les clubs, insultes et médisances inondent les médias. Oui, le foot camerounais est aujourd'hui ingérable.

Notre foot est dans l'impasse

On a cru à un moment donné qu'il fallait réorganiser la structure FECAFOOT : un poste de DG a alors été créé à la place de celui de SG : cela n'a pas été convaincant, et on a vite fait marche arrière. On a cru que c'était une question d'hommes à forte personnalité pour conduire la gestion de notre foot au quotidien : ainsi a-t-on recruté un expatrié Blanc (Patrick PRECHEUR) qui s'est taillé quand il a réalisé dans quel guêpier il était tombé. Puis ce fut le tour de Jean-Lambert NANG, journaliste sportif à la notoriété établie : il a été vite été débarqué quand on a réalisé que ses capacités olfactives étaient trop développées, et il est allé écrire un livre qui relate toutes les mauvaises odeurs qu'il a humées à la fédé. Ensuite, on a installé M. TOMBI A ROKO au secrétariat général de la FECAFOOT, et il n'est pas jusqu'à des membres actuels du « comité de redressement du football camerounais » qui n'aient célébré la promotion de celui qu'on appelait « Monsieur Propre » de la commission des arbitres. Malheureusement, « Monsieur Propre » était plutôt un caméléon, ce qui justifie qu'il soit toujours en poste, avec des pouvoirs (de nuisance ?) renforcés, alors qu'on le croyait fini après la chute de M. Iya Mohamed.

A bien y regarder, on réalise que, même si le forum sur le foot camerounais et les Etats généraux du sport n'avaient pas été ces grands messes (mal) préparées par des fonctionnaires paresseux, même si les participants qui y ont été invités n'étaient pas plus préoccupés à montrer leurs états de service dans le foot qu'à véritablement réfléchir à son développement, même si ces travaux n'avaient pas été contre-productifs parce que se tenant avec des effectifs pléthoriques dans une ambiance empreinte d'hypocrisie et de politique politicienne, ils n'auraient certainement pas réglé les problèmes du foot au pays d'Aboubacar Vincent. Parce que trop de plaies purulentes gangrènent notre foot, qui ne cicatriseront que si on les débarrasse des fausses croutes, pour les nettoyer et y apposer de bons pansements.

Les rancunes sont tenaces

Pourquoi la crise actuelle au sein du Canon de Yaoundé paraît-elle insoluble ? Mme Céline EKO, la PCA du club n'est-elle pas si « insolente » envers le Conseil des Sages parce qu'elle connait bien la maison Canon ? La gestion du transfert de feu Marc Vivien FOE, de grands administrateurs qui envoient les factures de réparation de leurs véhicules personnels au club pour paiement, cette dame sait certainement toutes ces choses-là, et peut donc estimer ne pas avoir de leçons de probité à recevoir de certaines personnes devenues « sages ». Il est donc indispensable, pour que le démon de la division quitte le Canon, que toutes les « affaires » qui jonchent son parcours relativement récent, soient remises sur la table, que les gens s'expliquent, que les responsabilités soient établies, avouées, sanctionnées (pardon ou punition), et que la paix soit scellée.

Le Comité de Normalisation, en vue des prochaines élections à la FECAFOOT a demandé à recevoir des régions et départements du pays, les listes de clubs et des corps de métiers. Seul le corps des joueurs n'est pas concerné. A quoi cela est-il dû, si ce n'est aux rancœurs accumulées entre M. TOMBI A ROKO et autres, contre M. MAYEBI et consort, au sujet de l'Association des Footballeurs Camerounais (AFC) devenue SYNAFOC (Syndicat National des Footballeurs Camerounais) ? Comment peut-on espérer réconcilier les anciens joueurs MILLA, BELL, KAHAM, BASSOUA, MAKONGO, MAYEBI, BEP, ENOKA, etc., si on ne parle pas clairement de l'argent reçu de la FIFPRO pendant des années, pour savoir l'utilisation réelle qui en a été faite, établir les détournements éventuels, s'avouer les fautes commises, puis sanctionner et repartir sur des bases saines ?

Le manager général de Cotonsport de Garoua M. Didier Da Rosa GOMES se plaignait récemment dans les médias, que son club était dans le collimateur de la LFPC qui selon lui, montre depuis le début de la saison qu'elle a envie de leur mettre des bâtons dans les roues. S'il l'affirme, c'est qu'il est au courant que, sous M. Iya MOHAMED, une bonne frange de l'opinion sportive estimait que Cotonsport était favorisé, ce qui justifiait les titres qu'il alignait. Si on ne tire pas cette suspicion au clair en l'évoquant sans faux-fuyants, il sera difficile d'extirper ce préjugé de l'esprit des dirigeants de ce club, qui adopteront donc souvent une posture de victime dans le championnat du Cameroun. Si Cotonsport était favorisé avant, il faut le dire, le reconnaître, puis sanctionner.

Il faut crever les abcès

Bonaventure DJONKEP, sélectionneur des Lions A', vient de convoquer une soixantaine de joueurs pour un stage en vue de la préparation du prochain tournoi CEMAC. Très peu de joueurs de l'Union de Douala y figurent, et des gens estiment qu'il punit ainsi ce club qui ne lui a pas été assez reconnaissant après le dernier titre de champion du Cameroun qu'il lui a fait gagner. Ne pas plancher sérieusement sur le départ du Président Faustin DOMKEU de l'Union de Douala, puis celui de DJONKEP, et leurs retrouvailles (comme par hasard) au sein de NEW STAR de Douala, c'est ne pas vouloir que les dirigeants de ces deux clubs, qui par ailleurs ont des ambitions de pouvoir à la tête de la LFPC, puissent se regarder autrement qu'en chiens de faïence, entraînant ainsi leurs supporters dans cette fronde permanente. Il faudra en parler, crever les abcès, avouer les fautes de part et d'autres, sanctionner, puis tourner définitivement la page.

Combien sont-ils, les camerounais qui en veulent à Samuel ETO'O, parce qu'on a dit qu'il a arraché sans ménagement le brassard de capitaine des Lions Indomptables à Rigobert SONG, et qu'il s'était érigé en faiseur de pluie et de beau temps dans notre équipe nationale ? Relativement nombreux, en tout cas, si l'on s'en tient à leurs réactions dédaigneuses ici et là. Si on veut que cessent les désordres, les luttes de clans, les conflits de leadership au sein des Lions, il sera indispensable de revenir sur ces affaires, que les torts soient attribués et reconnus, qu'on sanctionne, et qu'on avance. De même, on reviendra sur l'affaire de 1990 que raconte Bell dans son ouvrage (« Vu de ma cage »), mais que TATAW Stephen conteste avec véhémence.

Les camps et clans qui se battent pour contrôler le football camerounais se servent tous des médias pour donner de l'épaisseur à leur « cause ». Des journalistes qui se positionnent aujourd'hui en justiciers de notre foot, sont souvent ceux-là même qui ne rataient aucune bonne occasion de traire la vache FECAFOOT. Certains ont couverts des compétitions internationales à travers le monde aux frais de la fédé, sans qu'on puisse justifier au nom de quoi ils bénéficiaient de telles faveurs. Ecartés de la mangeoire, et motivés par la force de leur ingratitude et leur aigreur, ils sont aujourd'hui les pourfendeurs des dirigeants qui ne les prennent pas dans leurs bonnes grâces. A coups de délations, de mensonges, de manipulations, la presse sportive camerounaise a conditionné le public sportif du pays qui ne raisonne plus qu'en termes de « pro » ou « anti » tel ou tel camp. Si un vrai procès sur le rôle nuisible de la presse camerounaise pour le foot du Cameroun n'est pas mené, les compromissions établies et avouées puis sanctionnées, il est illusoire de croire que la sérénité pourra revenir avant longtemps.

Avouer le mal fait au foot, et l'expier

Le président de la CAF, M. Issa HAYATOU, n'a jamais vraiment montré aucune sévérité vis-à-vis de la gouvernance du football camerounais (son pays d'origine), même aux moments de ses pires dérives. Au contraire, une bonne partie de l'opinion pense qu'il protège la mafia qui règne à la FECAFOOT, et entretient ses relations incestueuses avec la FIFA. Le simulacre d'élection à la FECAFOOT en 2013 est un de ces exemples qui alimentent cette thèse. Au cours de cette « élection » curieusement cautionnée par le représentant de la FIFA, M. Seydou MBOMBO NJOYA a été porté à la 1ère vice-présidence de la FECAFOOT, et il devenait ainsi de facto président de la fédé, puisque le « vainqueur » Iya MOHAMED était déjà incarcéré au moment du « scrutin ». La proximité de ce monsieur avec le président de la CAF est bien connue, et ceux qui ont assisté à l'inauguration du Centre d'excellence de la CAF de Yaoundé le 5 mai dernier ont pu voir que c'est bien celui qui a failli être le président actuel de la FECAFOOT qui assurait le protocole du président de la CAF. Sera-t-il possible de conduire sereinement les destinées de notre fédé si ces soupçons de mafia organisée ne sont pas levés ? Il est indispensable que les gens avouent leurs forfaitures, qu'on les sanctionne, et qu'on permette à la FECAFOOT de renaître de nouveau.

Peut-on véritablement espérer un redécollage du foot camerounais sans interroger le rôle trouble du ministère en charge des sports dans l'organisation de cette discipline ? Les hauts cadres et même les ministres qui se sont succédé dans ce ministère sont soupçonnés d'avoir souvent trempé dans des combines sordides dont le but était de tirer des profits individuels à partir des revenus générés par le football. Qui ne se souvient de ces ministres qui, au moment de leur prise de fonction, annonçaient pompeusement « la fin de la récréation » dans la gestion de notre foot, et qui, quelques mois plus tard, étaient sous la coupe du président de la FECAFOOT ? Des gens ont estimé que des mallettes d'argent avaient changé de main pour qu'on en arrive là. Tous ces responsables, cités parmi les fossoyeurs du foot camerounais ne devraient-ils pas s'expliquer, afin que les torts et les responsabilités soient établis, qu'on sanctionne, et qu'on ouvre une nouvelle page ?

En plus de ce qui précède, notre football traîne de multiples boulets qu'il faut rompre si on veut qu'il reprenne une marche normale. En voici quelques exemples :

- Pourquoi Lauren ETAME MAYER a-t-il quitté les Lions Indomptables tel que cela s'était passé ?
- Quel avait été le vrai dessein de l'incarcération de M. Vincent ONANA ?
- Qu'est devenue la lettre qu'une joueuse de foot féminin a tenté de remettre au Chef de l'Etat lors d'une finale de coupe du Cameroun à Yaoundé ?
- Qu'est-ce qui avait provoqué le limogeage de Pierre LECHANTRE, ancien sélectionneur des Lions Indomptables, alors que son équipe produisait de bons résultats avec la manière ?
- Quelles sont les vraies raisons qui ont conduit au bannissement du football camerounais de Petit PAYS, artiste de renom et promoteur d'une académie de foot ?
- Quelle est la vérité sur les transferts de joueurs comme Modeste MBAMI ou Stéphane MBIA qui ont provoqué des divisions dans certains de nos clubs qui ont du mal à s'en remettre ?
- Malgré la réhabilitation de Bamboutos F.C., toute la vérité a-t-elle été dite sur l'affaire qui avait provoqué sa rétrogradation ?
- Qui avait touché les émoluments de Yannick NOAH et les primes de Samuel ETO'O en leurs lieux et places ?
- Y a-t-il eu tentative de rançonnement de MABOANG KESSAK pour sa sélection en 1994 à la coupe du monde ? Quid de cette question de sélections monnayées dans équipes nationales ?

Pour solde de tout compte !

Ce linge sale de notre foot doit être lavé, avant que celui qui s'amoncelle encore (passage de 14 à 19 clubs, non respects des décisions juridictionnelles, curieux contrats de droits TV, etc.) n'atteigne des proportions astronomiques. Pas avant la Coupe du monde, cela s'entend, mais il faut que cela soit programmé au retour de celle-ci, au besoin avant les prochaines élections à la FECAFOOT. A moins qu'on n'impose au Comité de Normalisation d'inscrire la nécessité d'une commission vérité et réconciliation dans le calendrier à court terme de la vraie relance du foot camerounais, et que les candidats aux postes électifs s'engagent tous à considérer leur mandat à venir comme période de transition, le temps que la commission vérité et réconciliation achève son travail.

Qui conduirait alors de tels travaux ? Pourquoi ne constituerait-on pas un collège de « jurés », dont les membres n'ont jamais trempé dans les combines du foot camerounais, avec comme atout un ascendant moral certain que leur confère leur réputation établie de probité et leur travail quotidien dans les esprits humains. Nous ne donnerons pas de noms, même si un profil comme celui de TOKOTO Jean-Pierre pourrait convenir pour en faire partie.

« C'est qui cet illuminé qui propose une telle chose pour notre foot ? » « En voilà un qui rêve les yeux ouverts ! » Oui, vous pouvez le penser effectivement après avoir lu ce texte. Mais sachez qu'en Afrique du Sud, la mise en place d'une commission vérité et réconciliation était encore plus invraisemblable et utopique qu'elle ne l'est pour le foot camerounais. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud est debout, elle a organisé une Coupe du monde de foot ( !), et Nelson MANDELA s'en est allé, l'esprit en paix.

Il faut voir grand, il faut rêver !

Charles MONGUE-MOUYEME

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    23.07.14 09:47
    Par Yaya Sinef
  • Rafraichissant et pointu
    23.07.14 03:25
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  • Excellent article. Cette analyse démontre à plus d'un titre que le mal de notre football tient plus à ses institutions, ...
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