• La Croatie a donc laminé le Cameroun par 4 buts à 0 à la Coupe du Monde 2014, scellant ainsi l'élimination au 1er tour des coéquipiers d'Alexandre Song. Malgré elle l'équipe des Mandzukic, Modric et autres, a révélé la grosse tromperie qu'aura été notre participation à Brésil 2014. Oui, tout le monde nous a menti dans cette affaire.


Bataille Moukandjo-Assou Ekotto, point culminant d'une déroute © AP

Il ne s'agit pas ici de nous livrer à un exercice qu'affectionnent les camerounais, qui consiste à voir en chaque victoire des Lions Indomptables l'occasion d'évoquer la naissance d'une nouvelle équipe porteuse d'espoirs, et en chacune de leur défaite, un motif pour tout remettre en cause dans le football au pays du président Paul Biya. C'est vrai qu'au regard de certains paramètres, on pouvait s'attendre à l'échec du Cameroun au Brésil, mais nous avouons avoir eu la faiblesse de croire que « quelque chose de grand » pouvait se produire avec nos Lions au pays du Roi Pelé. Nous nous sommes trompés, mais il est plus juste de dire que nous avons été trompés par un certain nombre d'acteurs.

Des joueurs professionnels au comportement d'amateurs

Une fois n'est pas coutume, nous commencerons cette liste des acteurs qui nous ont fourvoyés par les joueurs de notre équipe nationale. A chaque interview qu'ils accordaient à la presse, nos joueurs revenaient souvent sur une phrase : « notre groupe vit bien ». Dans le jargon du foot aujourd'hui, cela signifie qu'il règne un climat de sérénité au sein de l'équipe, fait de cohésion, de franche camaraderie, et de plaisir d'être rassemblés pour défendre une cause commune. Et les images de la séance de bizutage du jeune Cédric Djeugoué lors du stage en Autriche ont semblé l'attester, surtout que nous avions à l'esprit les paroles du capitaine Samuel Eto'o qui avait promis que ses coéquipiers et lui ne se laisseraient plus manipuler et diviser comme en 2010.

Nous avons tant et si bien cru en cette bonne ambiance retrouvée dans la tanière des Lions Indomptables, que nous avons minimisé le coup de sang de Jean-Armel Kana Biyik dans lequel il révélait que le climat au sein de l'équipe n'était pas bon, qu'il y avait des coups bas et des sombres combines. Nous avons estimé qu'il exprimait sa frustration pour ne pas avoir été retenu dans la liste des 23. De la même manière, nous avons balayé du revers de la main, la rumeur qui attribuait à Nicolas NKOULOU la titularisation surprenante d'Aurélien Chedjou (qui revenait à peine de blessure) lors du 1er match contre le Mexique, au détriment de Joël Matip, avec qui il ne se sentirait pas à l'aise.

Il aura fallu que nous assistions à la petite échauffourée entre Benoit Assou-Ekotto et Benjamin Moukandjo, pour que nous nous rendions à l'évidence que la bonne ambiance, la sérénité et la cohésion dans le vestiaire du Cameroun, n'étaient en réalité qu'un leurre. Le groupe Lions indomptables ne vivait donc pas si bien que ça ! Comment d'ailleurs pouvait-il en être autrement avec toutes les attaques (y compris dans la vie privée) et pressions négatives que ces joueurs subissaient (notamment de la part de leurs détracteurs déguisés en supporters) ?

Nos joueurs nous ont également affirmé par médias interposés, que leur préparation se déroulait très bien, et la phrase « nous travaillons bien » revenait souvent dans leurs propos. Les matchs de préparation en Autriche, et surtout le match amical en Allemagne contre la Mannschaft, nous ont bluffés, et nous avons pensé que les Lions Indomptables étaient déjà paramétrés pour la Coupe du Monde. Ceux des joueurs qui étaient blessés n'ont eu de cesse de nous rassurer que leurs blessures étaient quasiment guéries, et que c'était par prudence qu'ils ne participaient pas souvent aux séances collectives d'entraînement. Et même lorsque leur trop longue période de quartier libre au Cameroun a été prolongée par une petite grève, nos joueurs ont continué à nous affirmer qu'ils étaient prêts pour la compétition mondiale du foot.

La domination dans le jeu que nous avons subie contre le Mexique, et surtout la sévère déculottée face à la Croatie, ont montré que les Stéphane Mbia, Aurelien Chedjou, Eric Maxim Choupo-Moting et autres, n'avaient pas assez de « jus » dans les jambes. Ils sont apparus à court de condition physique, sans explosivité, et sans lucidité à mesure que les matchs avançaient dans le temps. Eux les grands professionnels, qui ont coutume de dire qu'ils sont encadrés par des amateurs, n'ont pas eu l'intelligence de faire programmer des entraînements pendant leur séjour à Yaoundé, et ils nous ont bercés d'illusion. Mais comme le mensonge a de courtes jambes, l'insuffisance de la préparation des Lions s'est vue dans l'agression d'Alexandre Song sur le croate Mandzukic, alors qu'il était battu dans le combat athlétique.

Un staff frileux qui ne maîtrisait pas son équipe

Le staff technique des Lions Indomptables aussi nous a roulés dans la farine. Son patron, Volker FINKE, a toujours donné les assurances d'une préparation bien pensée et cohérente. Ses explications sur le renforcement qualitatif de son staff avec des préparateurs physiques chevronnés, des kinés, des scouts et des médecins d'expérience étaient relativement convaincantes, et nous avons cru qu'un tel staff de haut niveau savait forcément ce qu'il faisait, et où il menait notre sélection nationale. La nouvelle association Nkoulou-Matip en défense centrale, la titularisation d'Henri Bedimo, la confiance accordée à Djeugoué (joueur provenant du championnat du Cameroun), et le repositionnement de Choupo-Moting et Moukandjo nous ont laissé croire, lors du match Cameroun-Allemagne, que notre staff technique était en train de gommer nos lacunes, et qu'il était donc devenu plus créatif et moins conservateur qu'avant.

Pourtant, dès le match contre le Mexique, Volker Finke et son staff sont retombés dans leurs tergiversations, et ils se sont montrés très frileux, toutes choses qui arrivent lorsqu'on a conscience que l'équipe n'est pas vraiment bien préparée, et qu'on n'a que peu de certitudes sur elle. En justifiant la titularisation de Chedjou par ses atomes crochus avec Nkoulou lors des matchs décisifs de qualification pour la Coupe du Monde, Volker Finke a montré qu'il avait une composition d'équipe immuable dans son esprit, et que les changements apportés lors des matchs amicaux n'étaient destinés qu'à endormir ceux qui avaient souvent critiqué ses choix.

Au moment où les Lions étaient menés contre le Mexique, Volker Finke a montré les limites de son coaching. Ce qu'on croyait être un tempérament calme et impassible dans le style Valery Nepomniachi (sélectionneur du Cameroun en Coupe du Monde 1990), traduisait en réalité une panne de solutions de la part d'un sélectionneur borné, frileux, et peu joueur. Nous avons pensé qu'il était assez méthodique dans sa démarche de préparation à travers les explications relativement plausibles qu'il fournissait lors de ses interviews, mais s'est révélé assez brouillon par ses choix de joueurs, ses options tactiques, et son coaching pendant les matchs de la Coupe du Monde. La concentration sur son sujet qu'il affichait, son détachement par rapport aux bruits autour de son équipe n'étaient en réalité qu'une carapace censée masquer son manque d'assurance, et la non- maîtrise de son groupe.

Un comité de normalisation qui n'assume pas

Le Comité de Normalisation (CN) de la FECAFOOT a mené tout le monde en bateau depuis la qualification de notre équipe nationale pour Brésil 2014. Il était tellement obnubilé par la perspective de conduire le Cameroun à la Coupe du Monde qu'il a oublié de réaliser les missions qui lui avaient été assignées pour un délai de 8 mois. Les mensonges de cette institution commencent par l'amplification d'une mission en Europe, soi-disant pour convaincre certains joueurs binationaux d'opter définitivement pour la nationalité camerounaise, et rejoindre ainsi les Lions Indomptables. Mais les Paul Georges Ntep, Axel Ngando, Samuel Umtiti, Jean-Christophe Bahebeck et autres, bien informés sur les errements dans la gestion du foot au Cameroun, ont décliné l'offre. Encore que la délégation désignée pour discuter avec ces jeunes footballeurs était mal constituée, et des frais de mission importants ont ainsi été engloutis dans cette opération foireuse. Et pourtant, le CN a longtemps laissé croire que ce dossier était en bonne voie.

Une autre délégation est allée en Europe sous le prétexte de négocier les primes de la Coupe du Monde avec les Lions indomptables. Pendant la trêve hivernale en Europe, tous ces joueurs étaient pourtant au Cameroun, mais en les rencontrant ici, cela n'aurait pas permis d'engranger des frais de mission et de faire des emplettes dans les supermarchés européens. Malgré la vacuité de cette seconde mission, le CN a continué à faire croire à tout le monde que la question des primes avait été réglée. Il a fallu la grève des Lions à Yaoundé lorsqu'il fallait décoller pour le Brésil, pour qu'on réalise que le CN avait été incapable de gérer le problème des primes. Pour masquer ce qui apparaissait comme une preuve patente d'imprévision et d'incompétence, le CN a tenté de diaboliser les joueurs en faisant croire au grand public qu'ils demandaient des primes exorbitantes, en même temps qu'ils présentaient d'autres exigences dignes de mercenaires. Et lorsque survient le dénouement, le CN persiste dans cette voie qui consistait à dégager sa responsabilité, et à jeter les joueurs en pâture auprès du public camerounais, à travers une lettre d'explication au contenu léger et incohérent.

Le CN n'a raté aucune occasion pour clamer que le maître-mot dans sa gestion était la transparence. Pourtant, lorsqu'il a fallu communiquer la liste des présélectionnés pour le stage en Autriche, c'est la responsable de la communication qui s'y est collée, en fournissant une explication tirée par les cheveux sur l'absence de Volker Finke. Le chiffre des dépenses liées à l'organisation du match amical contre la Moldavie à Yaoundé a souvent changé, et peu de gens ont compris que les caisses de la fédé soient vides à la veille du départ des Lions pour le Brésil, au point où le CN a été obligé de recourir à un emprunt « privé ». L'octroi des accréditations aux médias n'a pas été transparent non plus.

Le comble de la tromperie est atteint lorsque, bien qu'ayant déclaré que les Lions Indomptables sont incapables de respecter quoi que ce soit parce qu'ils ont, dit-on, refusé de prendre le drapeau du Cameroun des mains du Premier Ministre (PM), le CN a quand même constitué sans critères lisibles une délégation pléthorique de personnes (plus de 200) pour accompagner ces 23 jeunes mercenaires mal élevés au Brésil. La logique n'aurait-elle pas été de faire l'économie de telles dépenses pour démontrer qu'on gère l'argent du foot en bon père de famille comme on le clame ?

Et lorsqu'on a vu les personnes qui composaient cette délégation d'accompagnateurs des Lions, on s'est rendu compte que le gros des troupes était constitué de l'aile dure de ce qu'on appelle le « clan IYA » à la FECAFOOT. Le CN était censé mettre hors d'état de nuire ces fossoyeurs du foot camerounais, mais il leur offre plutôt un voyage d'agrément au Brésil avec l'argent produit par des « enfants gâtés et irrespectueux ». On n'est pas loin de croire que le CN est la plus grosse arnaque perpétrée au Cameroun par la FIFA et la CAF.

Des autorités étatiques oisives et nuisibles

Les autorités gouvernementales ne sont pas en reste dans le gros mensonge de la participation du Cameroun à la Coupe du Monde 2014. Le ministère des sports (MINSEP) a souvent fait semblant d'avoir les choses en main, mais la question des primes et la composition douteuse de la délégation étatique qui est allée au Brésil, montrent à suffisance que l'impréparation et l'improvisation ont régné, les tripatouillages aussi. Le ministre des sports et nombre de hauts fonctionnaires, des députés, des sénateurs, etc. sont allés s'établir au Brésil pendant la Coupe du Monde. Conscients de ce que leur oisiveté allait attirer l'attention, ils ont souvent fait tenir des réunions intempestives et inutiles avec les joueurs et leur staff technique. Et c'est l'argent du contribuable camerounais qui est ainsi utilisé à mauvais escient par des gens qui donnent des leçons de patriotisme aux autres.

La fameuse cérémonie de remise du drapeau aux Lions Indomptables par le PM était un attrape-nigaud pour montrer le manque de patriotisme de nos joueurs. On savait que les joueurs exigeaient le paiement de leurs primes avant leur départ, et au lieu d'annuler ou d'ajourner cette cérémonie, on a forcé sa tenue pour mieux diaboliser les joueurs. Le PM s'est laissé induire en erreur en remettant le drapeau du Cameroun au sélectionneur allemand Volker Finke. Des gens se sont servis de l'emblème national pour focaliser notre attention négative sur des joueurs qui ont mis à nu leur incompétence. Et au lieu de crier à l'imposture et à la manipulation, on a chanté l'antipatriotisme de la bande à Eto'o. Pour nous mentir, les organisateurs de ce mauvais théâtre n'ont pas hésité à pousser le PM à la faute.

Des médias en mission commandée

Impossible de fermer la liste de ceux qui nous ont trompés sur la participation des Lions à Brésil 2014 sans citer les médias du Cameroun. Selon qu'ils étaient à la solde des joueurs, du CN, du MINSEP, du « clan IYA » ou des « réformateurs », ils ont souvent manipulé l'information quand ils ne l'ont pas simplement créée, grossissant les traits ici, masquant des tares là. L'opinion publique, flouée, est fortement divisée aujourd'hui, mais lorsqu'on entend les arguments proposés dans les chaumières et dans la rue, on réalise que beaucoup ont mordu à la désinformation et aux manipulations des médias.

Un journaliste vous annonce que le MINSEP et le président du CN ont failli en venir aux mains pour des questions d'argent, son confrère dément en précisant que le MINSEP a juste changé d'hôtel pour échapper à des supporters importuns. Tel journaliste révèle que les joueurs exigent de se rendre dans la ville où se déroule leur match avec femmes, copines, enfants et parents dans le même avion, tel autre dément l'info, et rapporte plutôt les frasques des « invités » du CN ou du MINSEP. Dans le public, on ne sait plus à quel média se fier, mais ce qui est certain c'est que chacun des mensonges amplifiés par la presse contente une partie de son auditoire, et en courrouce une autre. Le foot qui a vocation à unir ses amoureux, la Coupe du M onde qui est une grande fête, sont en train d'exacerber les divisions, les jalousies, et les haines.

Il y a donc eu tromperie sur la marchandise dans cette aventure camerounaise au Brésil pour la Coupe du Monde 2014. Malheureusement, ni le Mexique, ni la Croatie n'ont mordu à l'hameçon, ils ont joué franc-jeu, et l'humiliation est arrivée. Nous avons au moins aujourd'hui une vérité indiscutable : tous ceux qui ont organisé ce mauvais cinéma au Brésil sont nés avant la honte. Nous avons aussi un mensonge difficile à démentir : un bilan exhaustif de la campagne brésilienne sera fait, les responsabilités établies, et de fortes sanctions prises, comme après Afrique du Sud 2010.

Le capitaine Samuel Eto'o, qui fait partie du groupe joueurs dans notre liste, a promis un grand déballage après la Coupe du Monde : vous y croyez ?

Charles MONGUE MOUYEME

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