Peut-on se passer de Samuel Eto'o ?

● Plusieurs observateurs avaient relevé la dépendance de la sélection camerounaise à l'attaquant Intériste. Une palabre publique largement médiatisée et un carton rouge plus tard, Le Guen devrait-il songer à construire son groupe autrement ?

Sur le plan de la dynamique de groupe, la graduation d'Eto'o au poste de capitaine aavait manifestement pour objectif d'assainir le climat dans le vestiaire et de faire de lui un leader naturel. Force est de constater un succès mitigé de la chose puisque cela n'aurait fait qu'exacerber le clanisme au sein des Lions. Néanmoins, la sélection nationale a pu passer le cap des éliminatoires de groupe et se qualifier pour la CAN et le Mondial 2010. Y voit-on une influence du numéro 9 ? Pas vraiment. Le souffle nouveau, la révolte de certains cadres et le regard neuf du technicien fançais ont un peu été la recette d'un succès inattendu, tant l'équipe était au plus mal et au plus bas.

Influence sur ses coéquipiers
Samuel Eto'o Fils, qui nous a habitués à une verbo-motricité souvent cinglante, a le même ton et la même impertinence avec ses coéquipiers. S'il peut être grand seigneur en promettant à chacun de ses partenaires une montre de 30 000 euros, il peut également être agaçant au point d'en enguirlander quelques uns sur la pelouse. Achille Emana a particulièrement semblé être son souffre-douleur à plusieurs reprises. On peut tout se permettre quand on est un leader et qu'on assume soi-même son rôle dans le dispositif tactique sur le terrain. Mais discuter les coup-francs, les corners ou encore les rentrées de touche ne fait que compliquer la tâche au groupe et grogner certains joueurs, qui souffrent en silence. La première condition du ralliement de la meute à ce chef, est que ce dernier montre la voie à suivre POSITIVEMENT. A-t-il conscience de cet état de fait ? Peut-être pas, d'autant plus que la psychologie des stars est assez complexe et tant qu'elles se sentent désirées, plus ou presque plus besoin de motivation supplémentaire. La cote d'amour de notre "Fils" national baisse pourtant tranquillement. Il est donc de notre devoir de le secouer pour qu'il descende un peu de son nuage afin d'affronter les nombreux autres défis ambiants, en commençant par celui de redevenir la voie à suivre.

Partout et nulle part sur le terrain
Sur le plan du jeu, là où son influence devrait le plus se faire sentir, Eto'o a brillé par une certaine inconstance lors des dernières sorties des Lions. De buteur incontournable, il est devenu au gré des dispositifs, meneur de jeu, faux ailier si pas milieu défensif. Une "indiscipline" tactique liée au caractère du joueur, auréolé de son nouveau brassard de capitaine et à des choix par toujours évidents du staff camerounais. Sur la pelouse, on lui concèdera qu'il ne dispose pas d'une brigade de la trempe de celle qui lui fournit des ballons hautement négociables pour trouver un peu plus souvent le fond des filets adverses car c'est sa mission, c'est son métier. Il n'est plus le fer de lance de l'armada camerounaise mais en demeurera l'une pièce maîtresse s'il retrouve ses repères de rat des surfaces de réparation. Souffre-t-il de son repositionnement dans l'Inter de Milan ? Mourinho nous l'a-t-il transformé en coureur des bois ? On veut revoir notre Eto'o à nous !

Des solutions de rechange ?
Si Samuel Eto'o ne retrouve pas son aura et son efficacité, quid des autres pistes de choix pour Le Guen ? A cet effet, le Mondial risque d'être le passage du témoin à une nouvelle race de buteurs au sein des Lions Indomptables. Achille Webo et Mohamadou Idrissou étant eux aussi assez inconstants, quoiqu'imprévisibles dans leur exécution, l'arrivée de Vincent Aboubakar et surtout d'Eric Choupo-Moting laisse entrevoir de belles avenues pour les prochaines échéances. De la même manière que "Fils" explosa à une certaine CAN 2000, on risque d'assister à l'éclosion d'une fine fleur en la personne de l'attaquant du FC Nuremberg en Afrique du Sud. Emana reste aussi très largement en deça de ses immense dispositions. Le dribble facile, une bonne lecture du jeu, une frappe surpuissante qu'il devrait utiliser plus souvent. Son talon d'Achille reste toutefois sa tendance à se laisser aller à une certaine facilité et à jouer avec ses coéquipiers comme s'ils étaient du même gabarit technique que lui.

En un mot, pour savoir si le Cameroun peut gagner avec et sans Eto'o, Paul Le Guen n'a qu'une seule façon d'y répondre. Démontrer enfin clairement ses talents (caché ?) de grand stratège.

Léopold Nséké