• Certains annoncent que les Lions Indomptables exigent des montants faramineux de primes et menacent de faire grève si on n'accède pas à leur demande. D'autres affirment qu'ils ont décidé de ne plus se faire payer par l'argent des contribuables camerounais qui devrait servir à d'autres causes dans le pays. Dans tous les cas, les primes font débat dans la tanière du Cameroun. Avec une forte odeur de manipulation.


Une formation des Lions Indomptables © Getty Images

Celui qui avait dit qu'au Cameroun « affaires nkap (argent), c'est affaires très compliquées » ne croyait certainement pas si bien dire. Si vous voulez titiller les compatriotes de Cédric DJEUGOUE, et les faire parler, mettez donc sur la table une question relative à l'argent, et vous serez servi. Alors que les Lions Indomptables préparent la Coupe du Monde 2014, et que normalement les attentions devaient être focalisées sur la composition de la sélection, la qualité de la préparation, et les résultats probables des poulains de Volker FINKE au Brésil, la chronique est plutôt défrayée par une affaire de négociation de primes entre les coéquipiers de Samuel ETO'O, le ministère des sports et de l'éducation physique (MINSEP), et la FECAFOOT.

Les camps qui veulent dominer l'opinion

Tout est parti d'une « révélation » de la presse qui indiquait que les joueurs de l'équipe nationale menaçaient de se mettre en grève lors du prochain match amical de préparation Allemagne-Cameroun, si leur exigence de toucher 150 millions de francs CFA de prime de participation chacun n'était pas satisfaite. Evidemment, le sang des populations qui s'intéressent au foot n'a fait qu'un tour en apprenant une telle nouvelle. Le souvenir malheureux des conséquences d'une grève pour cause de désaccord sur les primes en 2002 lors de la Coupe du Monde Corée-Japon est vite revenu à la surface, et dans une moindre mesure aussi, celui du « Marrakech Gate ».

Très vite, comme c'est souvent le cas lorsqu'une question est en débat au Cameroun, des camps se sont constitués, et les arguments, aussi tranchés les uns que les autres, ont inondé l'espace médiatique, et le microcosme footballistique du pays. A écouter les uns et les autres, on réalise que le monopole du patriotisme et du cœur, l'impératif de la décence et de la solidarité nationale semblent fortement revendiqués.

Il y a ceux qui pensent que les Lions Indomptables, à force d'être chouchoutés financièrement depuis quelques années, sont devenus des enfants gâtés qui se prennent pour le centre de la terre, au mépris des conditions de vie précaires de la majorité des camerounais. Ils exigent qu'on leur paye des sommes faramineuses simplement parce qu'ils représentent leur pays à une Coupe du Monde ! Comment comprendre que, juste pour disputer trois matchs du 1er tour d'une compétition qu'ils ne peuvent certainement pas remporter, les coéquipiers de Jean II MAKOUN crachent sur des sommes colossales (45-50 millions de francs CFA) pour réclamer le montant fou de 150 millions de francs CFA chacun. Oui, les tenants de cette thèse trouvent de telles exigences indécentes dans un pays où le SMIG est à 28 000 FCFA, et où il faudrait plusieurs vies à un enseignant ou un médecin pour gagner seulement une petite portion de ce type de montants.

Il y a aussi ceux qui estiment que les Lions Indomptables sont ceux qui produisent l'argent dont ils réclament une partie, et ils les trouvent même modestes dans ce qu'ils réclament. D'après les partisans de cette thèse, il est inadmissible que des joueurs produisent des efforts sur les stades, qualifient l'équipe pour la Coupe du Monde, entrainant ainsi le versement dans les caisses de la FECAFOOT de fortes sommes d'argent venant de la FIFA et des sponsors, et que des individus qui ne font rien d'autre que de détruire le foot du pays, s'en mettent plein les poches, au détriment des joueurs. Six participations à la Coupe du Monde, tout l'argent récolté n'a pratiquement pas servi au foot camerounais, et autant donc le donner aux joueurs qui le produisent.

Il y a un 3ème camp, celui de toutes ces personnes qui veulent en finir avec la « mafia » de la FECAFOOT, et qui sont contentes que les joueurs exigent de savoir quelle utilisation est faite de l'argent produit grâce à leurs efforts et leur talent, et qui demandent donc une rétribution conséquente pour ne pas continuer à enrichir des prédateurs du foot camerounais. Ils espèrent qu'en durcissant le ton, les joueurs vont attirer l'attention des décideurs afin qu'ils puissent effectivement se pencher sur les problèmes du football camerounais. Pour eux, les joueurs font donc office de justiciers du foot, avec plus de chances de réussite que tous les comités qui ont été créés pour le même dessein, en raison de leur position de force actuelle.

Geste technique : dire ce qu'on ne pense pas

Pour rallier une grande partie de l'opinion à sa cause, chaque camp sait faire usage de propos qui touchent la sensibilité du public. Ainsi, ceux qui dénoncent l'antipatriotisme des Stéphane MBIA, Nicolas NKOULOU et autres, ne manquent jamais de faire référence à ces soldats de l'armée camerounaise qui sont souvent tombés sur le champ de batailles pour défendre le pays, et qui n'ont jamais fait du chantage à la république pour leurs salaires et primes. Les joueurs de foot sont-ils plus valeureux que ces soldats qui donnent de leur vie pour la nation ?

Ceux qui pensent que les joueurs sont absolument dans leur droit de revendiquer des primes importantes, ressortent souvent le souvenir de Marc Vivien FOE, mort sur le terrain en défendant les couleurs du pays, mais dont les œuvres sont tombées dans l'oubli, pendant que des individus tapis dans l'administration du foot font pousser des immeubles dans nos villes avec l'argent du foot.

Quant aux autres qui érigent Eto'o et compagnie en justiciers du foot, l'argument favori qu'ils brandissent pour susciter l'émotion chez leurs récepteurs est celui selon lequel ces footballeurs sont d'abord des camerounais, et qu'à ce titre, ils doivent mener le combat pour remettre le foot du pays sur les bons rails. Ils sauvent ainsi une discipline qui leur a tout donné, et ils aident leurs petits frères, footballeurs en devenir, à ne pas cesser de rêver de faire carrière dans cette discipline.

Conscients de leur posture inconfortable qui les expose forcément aux flèches d'un camp ou de l'autre selon la suite de la « négociation » des fameuses primes, les joueurs de l'équipe nationale du Cameroun soufflent désormais le chaud et le froid. Un coup ils donnent l'impression que cette histoire de primes est un peu grossie et qu'il ne s'agit que de « discussions » normales ; un autre coup, ils martèlent que beaucoup d'argent tombe dans les caisses de la fédé sans qu'on sache véritablement ce qu'on en fait. Un autre coup encore, ils se font attendrissants en affirmant qu'ils joueraient même gratuitement si l'argent ne devait provenir que des impôts des camerounais.

Lorsqu'on s'intéresse de près à tout ce débat sur les primes de Lions Indomptables pour Brésil 2014, on réalise que de part et d'autres on essaye de manipuler l'opinion publique, les positions défendues sur ce sujet étant très souvent destinées à assouvir d'autres desseins inavoués. Ainsi, en jouant aux puritains effarés devant le manque de patriotisme supposé des Lions Indomptables, certaines personnes se soulagent de l'aigreur qui les tenaille ou de la jalousie qui les étouffe. Pour une fois, ils peuvent régler leurs comptes à ces joueurs qui les énervent depuis longtemps, en donnant l'impression de défendre une noble cause. A la place des « ETO'O c'est qui ? » ou « Alex SONG joue même quoi ? », ils peuvent diaboliser ces mecs qui gagnent beaucoup d'argent en tapant dans un ballon, alors qu'eux sont dans la galère en ayant usé leurs culottes sur les bancs de l'école.

Les virtuoses de la manipulation en action

Les autres, qui font semblant de soutenir que les joueurs soient grassement payés parce qu'ils le méritent, sont très fâchés avec la FECAFOOT telle qu'elle est gérée depuis plus d'une décennie, et ils n'entendent plus que cette « mafia » ait encore accès au moindre sou du foot. Au lieu que ces « administrateurs » du foot continuent à leur en mettre plein la vue avec leurs grosses cylindrées, ils préfèrent que le maximum d'argent soit remis aux joueurs, et qu'il ne reste presque rien pour ces « pilleurs ». Dans cette catégorie, on a aussi toutes ces personnes qui ont des relations plus ou moins proches des MOUKANDJO, CHEDJOU et autres, et qui espèrent pouvoir bénéficier de leur générosité après la Coupe du Monde. Il est donc bon qu'ils gagnent beaucoup d'argent, afin de pouvoir « faroter » au maximum.

Les joueurs ne sont pas en reste dans cette vaste opération de manipulation. Les propos laudateurs qu'ils tiennent à l'endroit du gouvernement qui aurait tenu ses engagements entièrement, et leur docilité feinte vis-à-vis des pouvoirs publics, masquent à peine leur volonté de faire tomber les derniers lambris de la gouvernance Iya MOHAMMED. Cette équipe les a floués financièrement, elle les a méprisés à travers des sanctions grossières, les a manipulés en les poussant à l'humiliation en 2010, et ils ne rateront plus aucune occasion de la fragiliser jusqu'à sa perte définitive.

ETO'O et sa bande, dans un élan de populisme flagrant, n'ont pas hésité à convoquer l'actualité dans leur combat, en suggérant que l'Etat devrait économiser l'argent qu'il leur reverse en primes (alors que la FECAFOOT peut le faire toute seule) pour aller secourir leurs compatriotes de la partie septentrionale du pays ébranlés par les attaques de BOKO HARAM. Une réponse adressée à ceux qui les traitent de mercenaires qui sont plus intéressés par l'argent que par la défense du drapeau. Ces joueurs disent publiquement ne pas vouloir publier les montants en négociation par pudeur et correction, mais c'est eux qui adressent des texto à leurs proches, dont certains journalistes, qui ne se privent pas de publier de tels « scoops ».

Quid des dirigeants du foot dans toute cette affaire ? Le MINSEP, qui avait fait annoncer une vraie-fausse mission en Europe pour aller discuter de la question des primes avec les internationaux camerounais, ne communique quasiment pas sur ce sujet. Dédouané par les joueurs qui, une fois n'est pas coutume, ont même sorti la brosse à reluire en sa faveur, le MINSEP n'a aucun intérêt à se mêler ouvertement à ce chorus.

Le Comité de Normalisation de la FECAFOOT pour sa part s'emploie à dédramatiser, précisant aux médias que les négociations vont bon train, et qu'elles vont aboutir à une conclusion positive. Et pour se faire plus convaincant, il a fait annoncer le déplacement de son responsable financier en Autriche pour régler les primes des sponsors dues aux joueurs. Le Pr MOUANGUE KOBILA, monté au créneau dans les médias pour calmer l'opinion sur la question des primes, a usé de techniques de communication bien connues, pour rapidement évacuer la question des primes, et s'appesantir sur la justification de la prorogation du mandat du Comité de Normalisation, avec en prime un petit « atalaku » (cirage de pompes) à son président.

Il n'y a pas à dire, le Cameroun est en train de jouer sa Coupe du Monde de la manipulation avec grand talent. Le public camerounais que tous ces acteurs croient dupe, attend tranquillement la vraie Coupe du Monde, celle du Brésil. Et là-bas, il faudra bien manipuler le ballon pour éviter l'effet boomerang des manœuvres trompeuses actuelles.

Charles MONGUE-MOUYEME

Tags:

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

FIL TWITTER

Tweets de @CamerooFootBuzz

● DESTINATION BRÉSIL

Mondial 2014 : De Bruyne et Lukaku envoient la Belgique défier Messi

... [Lire la suite]

Mondial 2014 L L'Argentine souffre mais passe grâce à un éclair de Messi sur la Suisse, 1-0...

... [Lire la suite]

Soupçons de matches truqués : "C'est idiot", Joseph Antoine Bell

... [Lire la suite]

Coupe du Monde FIFA : L'Afrique doit définitivement dire adieu au folklore

... [Lire la suite]

REPRISE DE VOLÉE

TRANSVERSALES

Le football est un jeu, la Coupe du Monde FIFA est une compétition

Le football est un jeu, la Coupe du Monde FIFA est une compétition

... [Lire la suite]

VOS COMMENTAIRES