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● C'est depuis samedi dernier et la défaite des Bleus face à l'Espagne, qu'un véritable torrent de critiques s'est abattu sur les footballeurs français et sur l'Equipe de France. Au-delà du fait que cette dernière ait été moyenne au niveau du jeu, les critiques formulées sur leur échec ne portent presque pas sur leurs performances sportives.


Le fameux "Ferme ta gueule" de Samir Nasri © Getty Images

C'est leur comportement qui est visé et, si les symptômes sont clairement identifiés, les causes mises en avant par les journalistes, commentateurs et consultants sont parfois stupides, souvent fausses et certaines frisent carrément le ridicule. Si l'Equipe de France ne va pas très bien, comment se portent les médias sportifs, aussi prompts à la critique des Bleus qu'incapables de formuler une auto-critique ?

L'Equipe est-il devenu un tabloïd ?

Quand un journal met en manchette une insulte d'un joueur suivi d'un photomontage opposant ce même joueur et son entraîneur (Cf. Anelka-Domenech dans L'Equipe, samedi 19 juin 2010), le moins que l'on puisse dire est que l'on se rapproche plus des tabloïds anglais que d'Albert Londres. Le tournant du premier titre sportif est en fait la conjugaison de la baisse des ventes du journal et la promotion de Fabrice Jouhaud à la tête de la direction de la rédaction de l'Equipe. Fabrice Jouhaud a poussé la "tabloïsation" du titre, remarquable notamment à l'aspect des Unes, plus chocs, plus percutantes. Même si la qualité et la quantité des articles s'est indéniablement amélioré depuis son intronisation, le titre se retrouve en première ligne dans l'échec des Bleus.

Au lendemain de la défaite face à la Suède, L'Equipe titre "Les secrets d'un règlement de comptes" en pleine page de Une. Au final, ce ne sont que quelques propos échangés entre joueurs dans le vestiaire. En somme, ce qu'il se passe dans à peu près tous les vestiaires sportifs, amateurs comme professionnels, chaque weekend. L'Equipe a jeté de l'huile sur le feu là où elle aurait pu faire preuve de plus de modération vu la relative banalité des propos retranscris.

Un environnement médiatique mis à distance

L'époque où les journalistes rencontraient les joueurs dans leur chambre étant révolu, les relations entre la presse et le milieu du ballon rond sont devenus plus étanches au fil de l'évolution du football. Les joueurs, devenus des produits de marque, sont dorénavant entourés par des agents, qui gèrent aussi leur communication d'où une progressive mise à distance de ces deux milieux. Cette étanchéité, combinée au fait que les footballeurs sont devenus les nouvelles rock stars ne fait qu'accroître le fossé financier, culturel mais surtout social entre leur profession et celle de journalistes.

Une jalousie pernicieuse se fait jour devant ces nouveaux riches, auxquels on reproche l'argent facile, non issu de la méritocratie et du travail. Face à cette soit-disant injustice, les reproches faits aux footballeurs vont davantage tenir du rapport aux personnes qu'à une analyse objective des performances du "travailleur".

Les reproches faciles

"Une équipe de racailles", "malpolis", des joueurs au "quotient intellectuel catastrophique", un "manque d'éducation". Les reproches à l'encontre des joueurs de l'Equipe de France sont de plus en plus axés sur le comportement et le caractère. Jean-Michel Larqué, entre autres, fait partie de ces chroniqueurs qui ont le plus tendance à tirer à boulets rouges sur les capacités intellectuelles et comportementales des joueurs de l'Equipe de France. Un des reproches favoris fait à l'Equipe de France se situe sur les montants faramineux que les footballeurs gagnent. Pourtant, les footballeurs allemands, italiens ou encore espagnols gagnent autant que nos footballeurs français, et ne se comportent pas de cette manière.

Une partie du problème se situe dans la place démesurée que les médias accordent aux footballeurs, en leur demandant tour à tour d'être exemplaires sur le terrain comme en dehors, dans leur vie privée comme dans leur vie publique. C'est une bien trop grande responsabilité que nous demandons à de simples footballeurs. Etre idôlatré n'a jamais signifié être exemplaire.

Par la couverture qu'ils accordent à ces mauvais gestes, les médias sont en partie responsables de cet échec (face à une équipe championne du monde et d'Europe en titre), le journal L'Equipe en premier lieu. Combien de couvertures ont-été réalisées sur le geste de Samir Nasri ? En accordant la couverture aux mauvais gestes, la presse occulte les bons. En faisant tourbillonner la centrifugeuse médiatique sur les joueurs en faute, nous nous détournons de tous ceux qui sont corrects, ou simplement normaux.

Enfin, les médias en accordant une place bien trop importante aux footballeurs, alimentent ce décalage entre le peuple et son équipe. Ces mêmes médias vantent tour à tour les vertus des sportifs de l'ombre, plus humbles, modestes et méritants, tout en fermant leurs antennes ou leurs pages à ces sports. Ces médias dézinguent les footballeurs et leur style de vie, tout en se nourrissant sur la machine à fric qu'est devenu le football.

Les médias français se trouvent dans une situation instable où, en cas d'échec, ils ouvrent leurs colonnes aux snipers embusqués prompts à fusiller cette équipe de racailles. En cas de victoire, ils tresseront des lauriers à cette Equipe de France, symbole d'une France à l'intégration réussie, d'une France qui gagne, d'une France qui sourit. Ce paradoxe n'est guère étonnant quand on voit que les JT de 20h accordent 15 minutes d'ouverture sur la mort d'un commentateur de foot, la veille même d'élections décisives en Grèce... et en France. Ainsi passe la gloire du monde.

Tristan Chambon
Consultant sport & médias
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