• Une délégation de la FIFA a séjourné au Cameroun les 14 et 15 mars 2014 pour, a-t-on dit, évaluer le travail effectué par le Comité de Normalisation de la FECAFOOT à 15 jours de la fin de sa mission prévue le 31 mars 2014. Presque rien n'est sorti de ces travaux, en dehors de l'annonce d'une probable prolongation du mandat du Comité de Normalisation. Et on a bien envie de se demander « tout ça pour ça ? »


Monsieur Primo Corvaro © CFB/DR

Le principe même de cette mission d'évaluation de la FIFA à 2 semaines de la fin du mandat du Comité de Normalisation (CN) est sujet à interrogations. Comment la grande et puissante FIFA, qu'on dit si bien organisée et rigoureuse, peut-elle confier une mission de 8 mois à une structure, et ne faire sa première évaluation que 15 jours avant le terme de celle-ci ? Un peu comme si la FIFA confiait l'organisation d'une Coupe du monde à un pays et attendrait l'année de tenue de la compétition pour aller évaluer l'état d'avancement des préparatifs, ce qui est impensable ! La FIFA a-t-elle reçu et approuvé un plan de travail élaboré par le CN avec un chronogramme qui indique les dates des rapports d'étapes et des séances de restitution, ainsi que cela se fait en pareil cas ? On peut en douter, du moment où la mission d'évaluation dont nous parlons ici n'était que la première.

Un laxisme bien calculé

Alors, de deux choses l'une : soit la FIFA faisait une confiance aveugle au CN et estimait donc qu'il assurerait toute sa mission sans aucun problème, soit l'instance faîtière du football mondial ne tenait pas le travail du CN en grande importance. Etant donné que rien d'objectif (ni la carrure des hommes, ni les usages en la matière) ne pouvait justifier une telle confiance aveugle, il apparaît évident que la FIFA démontre, par ce laxisme voulu, que la situation du football camerounais ne fait pas partie de ses préoccupations importantes.

Pendant la période tumultueuse des élections à la FECAFOOT en 2013, il s'est trouvé des gens pour affirmer dans les médias camerounais que la FIFA disposait d'une structure ultra efficace de monitoring des médias des pays membres, et que cela seul pouvait justifier la suspension de la FECAFOOT, sans que des camerounais malveillants l'aient saisie dans ce sens. Il faut donc penser que cette structure de monitoring est en panne depuis l'installation du CN, puisque des journalistes, des consultants, des analystes, des dirigeants et personnalités du foot camerounais n'ont pas fait l'économie des critiques envers le CN dans les médias du pays. Certains ont même adressé des correspondances à la FIFA pour se plaindre des dérives constatées dans la conduite des affaires de notre foot par le CN. Tout cela a laissé la FIFA de marbre, qui a attendu pratiquement la fin du mandat du CN pour venir faire son « évaluation ». De qui se moque-t-on ?

Démontrer notre forte tendance à l'auto-infantilisation

L'évaluation tardive du travail confié au CN par la FIFA ne peut pas être seulement attribuée à un laxisme induit par le peu d'importance que le cas Cameroun représente, mais on peut y voir aussi une raison plus vicieuse : mettre une fois de plus en évidence le ridicule des africains qui sont incapables de régler eux-mêmes leurs problèmes. N'oublions pas que la FIFA est pilotée par l'Occident, et que c'est de cette partie du monde qu'ont été émises des thèses comme « la démocratie est un luxe pour l'Afrique », ou « les Africains ne sont pas assez entrés dans l'histoire », qui ne sont que l'illustration d'une pensée fortement ancrée dans les esprits là-bas, et que Berlusconi avait eu le courage (ou la bêtise !) de trahir, en parlant de races qui seraient supérieures à d'autres inférieures.

Qu'une constellation d'agrégés de droit (dont certains ont rédigé des Constitutions d'États qui ne laissaient que 60 jours aux Chefs d'État de transition pour organiser des élections à l'échelle nationale !) n'ait pas réussi en 8 mois à produire des textes régissant une fédération de foot et à organiser des élections dont le collège électoral ne renferme qu'un très petit nombre d'individus est ainsi une preuve supplémentaire que les africains sont incapables de se prendre en charge, même lorsqu'on confie la conduite de leurs affaires aux plus érudits d'entre eux. Les cas de la Côte d'Ivoire et de la RCA en politique sont là pour attester de notre incapacité chronique à solutionner les problèmes que nous nous créons nous-mêmes : le CN confirme cette tendance à l'auto-infantilisation.

On n'humilie pas impunément la FIFA !

Le côté vicieux de l'évaluation tardive du CN peut aussi procéder de la soif de revanche que devait nourrir la FIFA vis-à-vis du Cameroun qui l'a presqu'humilié en portant les conflits électoraux de la FECAFOOT par devant le TAS, alors que la FIFA s'était rendue coupable de beaucoup d'indélicatesses indignes de sa réputation dans ces joutes. La puissante FIFA avait dû autoriser officiellement l'ingérence du gouvernement camerounais dans les affaires du foot, pour obtenir le retrait de la plainte du Cameroun au TAS. Une telle humiliation ne pouvait rester impunie, et la FIFA tient sa revanche à travers les nombreux griefs qui sont faits au CN, alors qu'elle lui a laissé carte blanche.

Cette volonté d'humilier le Cameroun transparaît également dans la composition de la délégation de la FIFA qui est venue évaluer le travail du CN. Elle est notamment présidée par M. Primo CORVARO qui est lui-même membre du CN en qualité de représentant de la FIFA. Tout comme M. Prosper ABEGA (autre membre de la mission d'évaluation) qui est bel et bien membre du CN, en tant que représentant de la CAF. Comment donc des personnes qui étaient censées participer aux travaux du CN peuvent-elles être désignées pour les évaluer ? La FIFA peut-elle ainsi consacrer un statut de juge et partie dans un pays sérieux sans que cela provoque au moins les protestations de ce pays ? Au Cameroun, paradoxalement, ces pseudo-évaluateurs ont été accueillis en grande pompe, avec de grands égards, par des personnes pourtant si souvent chatouilleuses lorsque leurs compatriotes osent seulement effleurer leur égo par de simples critiques.

Il est vrai qu'au Cameroun ce type d'incongruité est admis sans sourciller, et on peut se souvenir qu'en 1994, pour la préparation de la coupe du monde aux USA, un Comité Technique d'Organisation (CTO) avait été créé, et son président était le vice-président de la FECAFOOT, alors que le président de la FECAFOOT en était le vice-président : un terrible imbroglio qui avait paralysé et le CTO, et la FECAFOOT à l'époque. On peut donc comprendre que cela n'ait ému personne que M. Primo CORVARO ait été désigné pour évaluer le travail d'une commission dans laquelle il est lui-même membre.

Des évaluateurs à la crédibilité douteuse

Parlons un peu de M. Primo CORVARO : sa désignation pour évaluer le travail d'un comité en charge de normaliser le football camerounais n'est-elle pas proprement une insulte envers les milieux footballistiques du pays de Joseph Antoine BELL ? Pour ceux qui l'auraient oublié, c'est ce monsieur qui avait été envoyé par la FIFA pour la représenter aux élections de la FECAFOOT en juin 2013. Et lorsqu'une assemblée générale quasi clandestine, au cours de laquelle la corruption avait été révélée au grand jour par Mme Marlène EMVOUTOU avait « réélu » M. Iya MOHAMMED pourtant incarcéré à la prison de Yaoundé, les propos de M. Primo CORVARO avaient été ceux-ci : «je pars avec un sentiment d'accomplissement dans la mesure où les élections ont eu lieu malgré les péripéties. (...) C'est un processus qui remonte à plusieurs mois et aujourd'hui vous avez une commission électorale qui a fait son travail, qui a déterminé que les délégués étaient légitimes, que les élections ont eu lieu de façon transparente. »

Un monsieur qui valide une telle imposture devrait-il encore bénéficier du moindre crédit au Cameroun ? Que la FIFA l'ait désigné au sein du CN, on pouvait encore le tolérer en pensant qu'il aiderait ainsi à réparer ce qu'il a contribué à détruire, mais qu'il soit érigé en Président d'une commission d'évaluation du CN, il s'agit simplement d'une grosse moquerie de la part de la FIFA. Et lorsque M. Primo CORVARO déclare après son « évaluation » du CN que « nous avons reçu au total huit propositions de textes. Ceux que nous avons examinés jusqu'à présent m'amènent à saluer la qualité du travail qui a été effectué. Ce sont des textes vraiment très riches et de bonne facture » cela n'est en rien rassurant, puisque venant de quelqu'un pour qui tout va toujours bien là où il va en mission en Afrique.

L'agenda caché de la FIFA : protéger sa mafia qui est au Cameroun

Maintenant permettons-nous des questions que certains pourront trouver idiotes : MM. Primo CORVARO et Prosper ABEGA ne vont-ils pas être rémunérés en tant que membres du CN ? Normalement ils le devraient, du moment où ils en sont formellement membres. Si tel est le cas, ne seront-ils pas également rémunérés dans le cadre de cette mission d'évaluation ? Cette double rémunération, conjuguée au prolongement programmé de longue date du mandat du CN ne trahissent-ils pas l'existence au sein de la FIFA d'un petit réseau d'enrichissement de quelques copains, alimenté par les turpitudes du foot africain et les hommes véreux qui le dirigent ?

Quand on reprend depuis le début la période de normalisation du foot camerounais, on ne peut s'empêcher de penser que la FIFA avait un agenda caché en mettant en place le CN. Il y a d'abord eu l'exigence du maintien du Secrétaire Général de la FECAFOOT sous Iya MOHAMMED, alors qu'il était vomi par les camerounais qui appelaient au vrai redressement du foot camerounais. Au début, se souvenant de la fermeté du Pr Joseph OWONA envers Vincent ONANA (ancien président de la FECAFOOT emprisonné en 1998 pour une affaire de trafic de billets de coupe du monde) et se fondant sur une réputation de malicieux qu'on lui collait, nombre d'observateurs camerounais ont pensé que ses propos laudateurs à l'endroit du SG de la Fédé étaient destinés à mettre celui-ci en confiance, l'endormir, pour mieux le pousser à la faute et le « cueillir ». La suite des événements leur a donné tort. L'un des piliers de la maffia décriée sous le président sorti de la FECAFOOT est ainsi resté en place au grand bonheur de la FIFA qui n'avait aucune envie que des gens aillent fourrer leur nez dans les petits papiers de la Fédé.

La non-désignation de Comités de Normalisation locaux dans l'ensemble des régions du Cameroun où les élections avaient été invalidées était un autre signe qu'on avait décidé de ne pas décimer le système mafieux en place à la Fédé depuis une quinzaine d'années. Mais cela n'allait pas se faire sans contrepartie, et on le voit à travers les recrutements que le CN effectue à la FECAFOOT sans que cela soit vraiment à classer dans les affaires courantes, ainsi qu'à travers les nominations à la tête des commissions spécialisées de la Fédé dont la « composition sociologique » peut être discutable.

La FIFA récompense bien ses serviteurs

Certains journalistes font également état de libertés qui sont prises avec les finances de la FECAFOOT par le CN, comme récompense au maintien du réseau mafieux de la FIFA au Cameroun. La FIFA a la réputation de ne pas souvent abandonner ceux qui servent certains de ses intérêts sordides, même contre leur propre pays, et cela se vérifie encore au Cameroun : sinon, comment expliquer que le CN joue le jeu de grands fossoyeurs du foot camerounais tapis dans la Région du Littoral sous l'appellation tour à tour de Mutuelle des dirigeants de clubs, puis depuis quelques jours d'Amicale des présidents de clubs du Littoral ? Le Président du CN est même allé jusqu'à renier le droit, discipline dans laquelle il est considéré comme un maître, en rejetant (sans faire appel dans une instance juridictionnelle supérieure) une décision d'une juridiction du Comité National Olympique et Sportif du Cameroun (CNOSC) qui n'arrange pas ceux qui avaient sorti des machettes et des armes à feu sur un stade à POUMA !

Cet agenda (mal) caché de la FIFA est d'autant plus facile à implémenter que personne n'aura la naïveté de croire que la mafia du foot au Cameroun est circonscrite à la FECAFOOT. Ses ramifications vont aussi en hauts-lieux, et ceux qui en doutent le comprendront mieux lors de la composition de la délégation officielle du Cameroun pour la coupe du monde 2014 au Brésil dont plusieurs membres seront doublement pris en charge, avec possibilité de perception des mêmes primes que les joueurs. On comprend mieux maintenant pourquoi la délégation qui était allée à la FIFA pour négocier la levée de la suspension du Cameroun avait été si peu diserte sur sa mission.

La FIFA exploite notre bêtise

Tout ce qui précède montre que la FIFA, en réalité, se préoccupe très peu du développement du football africain en termes de qualité de jeu, et de bonne organisation. Ainsi, quand elle mettait sur pied le CN au Cameroun, elle pensait plus à sauver une situation qui risquait de lui échapper qu'à véritablement aider notre football à se départir de ses tares. Si tel n'était pas le cas, la FIFA aurait exigé dès le début que le CN lui soumette un plan de travail qui tiendrait dans les 08 mois de la mission. Elle se serait également émue de la méthode utilisée (et validée par le CN) pour faire passer le nombre de clubs de 14 à 19 en Ligue 1, au mépris de l'équité sportive. Et elle aurait déjà tenu plus d'une réunion d'évaluation. Car, à la vérité, la réécriture des textes de la FECAFOOT aurait très bien pu prendre 03 mois, et on aurait eu 05 mois pour organiser les élections et installer les nouveaux dirigeants de la Fédé.

Mais doit-on s'en prendre à la FIFA ? Non, non, et non ! Et pour causes ! Est-ce la faute de la FIFA si certains de nos compatriotes sont prêts à vendre le pays tout entier pour assouvir leurs bas instincts égoïstes (comme ceux qui avaient écrit pour faire suspendre la FECAFOOT par la FIFA) ? Est-ce la faute de la FIFA si les docteurs en doctorats du Cameroun contribuent à abêtir le peuple plutôt qu'à lui servir de guides éclairés ? Est-ce la faute de la FIFA si nous ne savons pas nous mettre au-dessus des petits calculs ethniques ?

Franchement, est-ce la FIFA qui nous a inoculé la mentalité d'éternels assistés incapables de se prendre en charge et régler leurs propres problèmes ? Non, la FIFA n'y est pour rien, elle met simplement en application une théorie vulgarisée par le très regretté Lapiro de Mbanga : « erreur for mboutoukou, na damé for ndoss ». Traduction en français facile, « quand tu es bête et stupide, on te trompe ». C'est nous-mêmes qui permettons à la FIFA de nous manquer de respect.

Charles MONGUE-MOUYEME

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